C'est une cacophonie inédite qui s'est fait entendre le jour où les membres des CECI de la province Gitega ont prêté serment. C'était le 05 novembre 2014. Pour clôturer les cérémonies, ils se sont dit de le faire en entonnant l'hymne national. Ce n'était pas peut-être une bonne idée. Les uns chantaient «Burundi Bwacu, Ragiry'abasokuru...» tandis que d'autres sont sur «Burundi Bwacu Nkoramutima... ». Honteux, certains membres des CECI esquissent des sourires embarrassés. Ils ne savent plus où se mettre. D'autres préfèrent arrêter de chanter. Embarrassé, le modérateur propose de le reprendre une nouvelle fois. Bien sûr, il ne faut pas rentrer sur un échec. Et hop! Ils s'y remettent encore une fois. Pas de chance! C'est un autre tintamarre mémorable. Dans la salle du MIPAREC, des éclats de rire fusent. L'incompréhension se lit sur les visages des invités. Ils chuchotent entre eux : «L'éducation civique accuse encore des lacunes.»
Certains habitants de la ville de Gitega sont très durs envers les membres des CECI. «Cela démontre un manque de patriotisme. Comment veulent-ils superviser les élections alors qu'ils ne savent même pas chanter l'hymne national», martèle C.N. du quartier Rango. «C'est une honte. Il leur faut une formation accélérée en éducation civique et patriotique avant de les envoyer superviser les élections de 2015», renchérit un habitant du quartier Nyabututsi. Pour la plupart des habitants, il faut réinstaurer dans les institutions publiques et privées le salut du drapeau national avant le début des activités.
«Oublier « Burundi Bwacu », c'est oublier que le Burundi existe.»
Justin Baransananikiye, directeur de l'Institut de musicologie de Gitega, n'y va pas par quatre chemins : «Oublier « Burundi Bwacu », c'est oublier que le Burundi existe.» Pour lui, « Burundi Bwacu » incarne l'unité de l'âme burundaise. «Il nous rassemble dans nos différences.» Et d'ajouter que les paroles de l'hymne national renforcent tous les Burundais. «Elles mettent un accent sur l'unité, la cohésion et la fierté nationale.»
Cet ancien de l'orchestre national trouve une cause à ce qui s'est passé le jour de la prestation de serment des membres des CECI :«C'est parce que ceux qui sont chargés d'inculquer cette tradition de l'hymne national dans les cœurs de la nouvelle génération ont complètement relâché.» Il se souvient que quand il était à l'école primaire dans les années 60, l'hymne national était enseigné tout le temps, mot par mot, et l'objectif visé : rassembler les Burundais.
«Il faut l'enseigner dans les écoles pour que les jeunes générations comprennent que notre hymne national est au-dessus du rap et toutes ces chansons dont les jeunes raffolent.» Mgr Baransananikiye propose que l'on revienne à l'enseignement pratique de « Burundi Bwacu » dans les cours d'éducation civique. D'après lui, ce point doit être revu au niveau du ministère soit de l'Education, soit de la culture ou tout autre ministère concerné par la sauvegarde de cette valeur. Sinon, met en garde Mgr Baransananikiye, les jeunes générations risquent de prendre l'hymne national comme n'importe chanson, voire l'oublier complètement.
Source:http://www.iwacu-burundi.org/gitega-incapables-de-chanter-burundi-bwacu/