lundi, 04 août 2014 08:54 Écrit par  Me Pacelli Ndikumana

La limitation constitutionnelle du nombre de mandats présidentiels.

Introduction
La publication d'une analyse juridique concernant la limitation constitutionnelle du nombre de mandats présidentiels et la conclusion que son auteur, le chargé de cours Stef Vandeginste tire de celle-ci selon laquelle la constitution burundaise serait une coquille vide, nous a poussés à produire une différente analyse et à relever les lacunes juridiques que présente son étude. 

Dans son introduction, Stef Vandeginste mentionne que « nous nous intéressons, en particulier au cas du Burundi, pour analyser quels institutions seront éventuellement, appelées à vérifier l'éligibilité du président en exercice aux élections présidentielles de 2015 au regard du principe constitutionnel de la limitation du nombre de mandats présidentiels. »1

Plus bas, il précise que « pour évaluer qui aura éventuellement à mettre en application le principe constitutionnel en question- et dans le cadre de quelle procédure- nous nous concentrerons sur deux institutions : la Commission Electorale Indépendante et la Cour Constitutionnelle. »2

La grave lacune que comporte l'analyse du Chargé de Cours Stef Vandeginste est d'avoir omis,volontairement ou inconsciemment, que la première institution qui doit mettre en application le principe constitutionnel de la limitation des mandats demeure l'institution du Président de la République. 

Cette omission est d'autant plus grave que son analyse semble ignorer que dans la hiérarchie des institutions qui doivent garantir le respect de la Constitution et des normes constitutionnelles, l'institution du Président de la République occupe une place de premier choix : la première place. Toute analyse juridique de la Constitution burundaise qui prétendrait omettre le rôle de l'institution du Président de la République dans le respect et la stricte application du nombre de mandats présidentiels serait biaisée, tronquée et tendancieuse. 

Nous nous sommes donc attelés, dans la présente analyse, à combler cette grave lacune en analysant ce que dit la constitution du Burundi relatif au nombre de mandats présidentiels, à analyser le rôle de l'institution du Président de la République dans le respect du nombre de mandats et enfin les conséquences d'une violation de la norme constitutionnelle par la première institution garante de son respect en l'occurrence le Président de la République.

I. La Constitution prévoit deux mandats présidentiels.

De prime abord, il est impérieux de préciser que l'analyse de la norme constitutionnelle relative au nombre de mandats présidentiels que prévoit la Constitution doit se faire en procédant à la lecture concomitante des dispositions de la Constitution relatives au préambule (deuxième et douzième préambules), à l'état et à la souveraineté du peuple (article 8) à l'institution du Président de la République (article 96, 103) et aux dispositions particulières relatives à la première période post transition (article 302).

1. Les dispositions de la constitution ne prévoient que deux mandats.

L'article 96 de la constitution qui est lui-même sous le titre V relatif au Pouvoir exécutif et sous le point 1 relatif au Président de la République stipule que « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois ».

L'article 103 quant à lui qui est rédigé sous le même titre et sous le même point 1 que l'article précédent dispose que « Le mandat du Président de la République débute le jour de sa prestation de serment et prend fin à l'entrée en fonctions de son successeur. » A la lecture de ces deux dispositions, il ressort que dans les conditions normales de gouvernance démocratique le Président de la République est élu au suffrage universel direct et que celui-ci ne peut exercer plus de deux mandats de cinq ans chacun. Le principe étant que le Président ne peut exercer qu'un seul mandat mais que ce mandat ne peut être renouvelé qu'une seule fois.

2. Les dispositions qui justifient que l'actuel mandat (2010-2015) constitue le deuxième et le dernier.

Comme le Président de la République est entré en fonction lorsque les conditions politiques ne permettaient pas que des élections présidentielles au suffrage universel direct soient organisées, la Constitution avait prévu que pour le premier mandat du Président de la République, son élection sera organisée au suffrage universel indirect.

En effet, la Constitution en vigueur a prévu un titre spécifique relatif aux dispositions particulières pour la période post-transition. Ces dispositions sont transcrites sous le Titre XV de la Constitution qui fait partie intégrante de la Constitution. 

L'article 302 (alinéa1) stipule que « A titre exceptionnel, le premier Président de la République de la période post-transition est élu par l'Assemblée Nationale et le Sénat élus réunis en Congrès, à la majorité des deux-tiers des membres. Si cette majorité n'est pas obtenue aux deux premiers tours, il est procédé immédiatement à d'autres tours jusqu'à ce qu'un candidat obtienne le suffrage égal aux deux tiers des membres du Parlement. » 

Il ressort de la lecture de ces dispositions que l'actuel Président de la République ayant pris ses fonctions à l'issue d'un vote au suffrage universel indirect, c'est-à-dire après avoir été élu conformément à l'article 302 de la constitution et après avoir prêté serment devant l'Assemblée Nationale et le Sénat réunis en Congrès conformément à l'article 103, son premier mandat a débuté en Juillet 2005 et a pris fin en Juin 2010

Contrairement à une interprétation tendancieuse que fait le Chargé de cours Steve Vandeginste au regard du caractère exceptionnel de l'article 302, ce caractère n'est exceptionnel qu'en ce qui concerne la modalité d'élection du Président de la République. Dans une interview accordée à un journaliste du magazine Iwacu Burundi, Stef Vandeginste prétend que le caractère exceptionnel de la disposition de l'article 302 pourrait s'étendre sur le principe de base de l'article 96 qui limite le mandat présidentiel à un mandat renouvelable une seule fois. Cette interprétation est non seulement tendancieuse mais elle viole toutes les dispositions de la présente constitution, les principes juridiques et l'esprit ainsi que les travaux préparatoires de cette constitution. 

D'abord le caractère exceptionnel prévu au début de l'article 302 doit s'entendre d'une manière très restrictive et ne peut se limiter qu'à la modalité d'élection du Président de la République. 

Deux motifs justifient cette interprétation : d'abord, la lecture littérale de l'article 302 dispose que l'exception ne concerne que le mode d'élection du Président de la République par l'Assemblée Nationale et le Sénat. Deuxièmement, le titre sous lequel cette disposition est rédigée n'est autre que n'est autre que le titre XV relatif aux dispositions particulières pour la période post-transition. 

Si l'exception concernait aussi le principe même du nombre de mandats limité à deux, cette exception étant une dérogation grave et profonde qui porte atteinte au principe de gouvernance et d'alternance démocratique auquel tous les acteurs politiques ont souscrit dans les Accords d'Arusha de 2000, une disposition particulière et supplémentaire aurait dû être rédigée sous le même titre
XV relatif aux dispositions particulières pour la période post-transition.

Si telle avait été la volonté du Constituant de déroger au principe limitant les deux mandats présidentiels, le Constituant aurait prévu une disposition spécifique et particulière y relative. Un raisonnement a contrario signifierait que si le Constituant n'a pas prévu de disposition particulière, l'interprétation stricto sensu du caractère exceptionnel de l'article 302 demeure d'application.

A notre agréable surprise, dans une analyse précédente relative à l'éligibilité de l'actuel Président de la République du Burundi aux élections présidentielles de 2015, Stef Vandeginste nous rejoint dans notre conclusion en précisant que « l'endroit de l'exception...indique à notre avis que les parties signataires de l'Accord d'Arusha ont voulu prévoir des modalités d'élections exceptionnelles pour le premier président de la période post-transition. Autrement dit, a contrario, l'exception prévue sous c) dans le premier paragraphe de l'article 7 aurait été insérée dans le troisième paragraphe ou dans un paragraphe à part si l'intention des parties signataires avait été de créer une exception par rapport aux nombres de mandats présidentiels. »3

Pour justifier son interprétation élargie de cette exception, le Chargé de Cours Stef Vandeginste se permet de fonder son analyse en interprétant l'article 190 du Code électoral de 2005 qui fait référence à l'article 186 au lieu de l'article 188 du code électoral. Cette erreur qui apparait dans le code électoral est, à notre avis, purement matérielle. 

Dans la hiérarchie des normes, il est inapproprié de procéder à l'interprétation d'une disposition de la Constitution en consultant une disposition d'une loi subordonnée à la Constitution (le Code électoral) et qui tire sa source dans cette constitution. Les seules sources positives de la Constitution pour interpréter ses dispositions ne peuvent être que les travaux préparatoires de la constitution ou des textes qui l'ont inspiré. Les autres sources ne seront que les jugements rendus par la Cour Constitutionnelle. Le Code électoral, qui d'ailleurs a été promulgué un mois après la promulgation de la Constitution, ne peut en aucun cas constituer une source d'interprétation de la Constitution dont il tire sa légitimité.

Il est donc regrettable que Stef Vandeginste, spécialiste du Droit Constitutionnel, fasse fi de tous les principes d'interprétation des Constitutions, de tous les travaux préparatoires de la Constitution Burundaise, de toutes les sources du droit pour éclairer l'opinion sur une disposition constitutionnelle dont l'interprétation ne souffre d'aucune ambiguïté. 

L'article 103 est on ne peut plus clair à ce sujet concernant la définition d'un mandat présidentiel et les circonstances qui définissent l'exercice d'un mandat présidentiel. Le Mandat présidentiel débute le jour de sa prestation de serment. Comme le Président de la République a prêté serment le jour de sa prise de fonction au mois de Juillet 2005, le mandat exercé pendant la période de 2005-2010 est un mandat présidentiel valable, légal et conforme aux prescrit de la constitution. 

3. Les dispositions de la Constitution qui justifient que le mandat présidentiel ne peut ne jamais dépasser la limite       de deux mandats (maximum 10 ans). 

Il est de notoriété publique que la présente constitution tire sa source et s'est profondément inspirée des conclusions de l'Accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation du Burundi du 28 Août 2000.

L'Accord d'Arusha stipule que le Président de la République « est élu pour un mandat de cinq ansrenouvelable une seule fois. Nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels. »4 (Protocole II, Chapitre I, article 7, para 3).

La Constitution du Burundi fait référence dans son deuxième, onzième et douzième points du préambule à la réaffirmation de la foi du peuple Burundais dans les Accords d'Arusha de 2000, à la réaffirmation de la détermination inébranlable du peuple burundais à mettre un terme aux causes profondes de l'état continu de la violence ethnique et politique, de génocide etc...et la considération que pour atteindre ces résultats les principes constitutionnels et légaux doivent être garantis dont l'établissement et l'implantation d'un système de gouvernance democratique. 

Il est intéressant de constater que l'Accord d'Arusha de 2000 stipule « qu'en ce qui concerne la nature du conflit burundais, les parties reconnaissent qu'il s'agit : a) d'un conflit fondamentalement politique avec des dimensions ethniques extrêmement importantes ; b) d'un conflit découlant d'une lutte de la classe politique pour accéder au pouvoir et/ou s'y maintenir. »5.

 Il ressort donc de l'interprétation des dispositions de l'Accord d'Arusha et du préambule de la Constitution que le peuple Burundais reconnait que le conflit burundais a toujours été fondamentalement politique (avec des dimensions ethniques importantes) et qu'il découle d'une lutte de la classe politique pour accéder au pouvoir et s'y maintenir.

Le onzième point du préambule de la Constitution est particulièrement significatif dans la mesure où il réaffirme la détermination inébranlable du peuple burundais à mettre un terme aux causes profondes de l'état continue de la violence ethnique et politique, de génocide et d'exclusion, d'effusion de sang, d'insécurité et d'instabilité politique, qui ont plongé le peuple dans la détresse et la souffrance... 

Une lecture combinée du préambule de la Constitution et des dispositions de l'Accord d'Arusha fait ressortir une profonde conscience du peuple burundais dans la connaissance de la nature unique du conflit burundais qui est fondamentalement politique et une détermination inébranlable de ce même peuple à mettre un terme aux causes profondes de ce conflit. 

Un raisonnement a contrario signifie que le Président de la République devrait faire respecter le maximum de deux mandats présidentiels tel que prévus par la Constitution et que dans le cas contraire le peuple burundais, dans son inébranlable détermination à mettre un terme aux causes profondes de l'état continue de la violence ethnique et politique, exercera son droit de stopper par tous les moyens cette classe politique qui, sachant que sa gouvernance a pris fin par l'écoulement des deux mandats, veut se maintenir au pouvoir en violation flagrante de la Constitution. 

II. Le rôle du Président de la République dans le respect et l'application des deux mandats. 

Nous venons de démontrer que la Constitution du Burundi ne souffre d'aucune ambigüité quant à la nature et le nombre de mandats que le Président de la République a le droit d'assumer. 

Comme nous l'avons signalé au début de notre analyse, le Président de la République est une institution dont la Constitution confère des pouvoirs énormes et diversifiés (règlementaires, législatifs et judiciaires) : en plus de ces pouvoirs il est le Commandant en chef des corps de défense et de sécurité, il déclare la guerre et signe l'armistice, il nomme aux emplois supérieurs civils et militaires, il accrédite et rappelle les Ambassadeurs, il a droit de grâce et il confère les ordres
nationaux et les décorations de la République.

En contrepartie de tous ses pouvoirs, le Président de la République est soumis à des responsabilités politiques et pénales. 

Les responsabilités politiques sont consignées dans l'article 116 de la Constitution qui stipule que « Le Président de la République peut être déclaré déchu de ses fonctions pour faute grave, abus grave ou corruption, par une résolution prise par les deux tiers des membres de l'Assemblée Nationale et du Senat réunis». 

Les responsabilités pénales sont, quant à elles, consignées dans l'article 117 (alinéa 1) de la Constitution qui stipule que « Le Président de la République n'est pénalement responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. » 

L'article 117 alinéa 2 donne une définition du crime de haute trahison. Il dispose que « Il y a haute trahison lorsqu'en violation de la Constitution ou de la loi, le Président de la République commet délibérément un acte contraire aux intérêtssupérieurs de la nation qui compromet gravement l'unité nationale, la paix sociale, la justice sociale, le développement du pays ou porte gravement atteinte aux droits de l'homme, à l'intégrité du territoire, à l'indépendance et à la souveraineté nationale. »

1. Une déclaration de candidature du Président de la République : un acte de haute trahison ou juste une faute             grave ou un abus grave ?

Nous avons démontré que la constitution du Burundi dispose que le mandat du Président de la République ne peut pas dépasser dix années soit deux mandats au maximum. 

Pour satisfaire à la définition du crime de haute trahison, l'acte incriminé doit, en plus de constituer une violation de la constitution, satisfaire à deux conditions cumulatives : il doit d'abord être contraire aux intérêts supérieurs de la nation et deuxièmement il doit compromettre gravement soit l'unité nationale, soit la paix sociale, soit la justice sociale ou le développement du pays. 

Dans cette conception de la définition de la notion de haute trahison, les constitutionnalistes divergent sur une conception pénaliste de cette notion ou sur une conception constitutionnaliste et d'autres préfèrent une solution médiane où la Haute Cour de Justice prononcerait la déchéance ou la destitution du Président de la République sans prononcer des peines proprement dites. 

Pour le cas sous analyse, notre constitution a donné une définition de la haute trahison et nous nous limiterons à analyser les conditions de fonds de son application.

a) L'acte doit être contraire aux intérêts supérieurs de la nation.

Nous avons relevé que dans les conclusions de l'accord d'Arusha, les parties signataires ont constaté que la limitation du nombre de mandats du Président de la République constituait une réponse adéquate aux crises incessantes qui ont jalonné l'histoire politique du Burundi. 

L'article 4 (la nature du conflit burundais) du Chapitre I sur la nature et cause historique du conflit dispose que les parties reconnaissent qu'il s'agit d'un conflit fondamentalement politique avec des dimensions ethniques extrêmement importantes et d'un conflit découlant d'une lutte de la classe politique pour accéder au pouvoir et/ou s'y maintenir. 

Parmi les solutions envisagées dans le chapitre II du même protocole, l'article 5 mentionne entre autre mesures de politique général, la prévention des coups d'état (point 7).

L'acte de déclaration de candidature du Président de la république à la fin de son deuxième et dernier mandat constituerait une violation flagrante de la constitution. A ce titre, cet acte, qui est la manifestation d'une volonté délibérée de la part du Président de la République de se maintenir au pouvoir contrairement au prescrit de l'article 96 et suivants de la Constitution, serait interprété comme un acte délibéré de la classe politique appartenant au parti du CNDD-FDD qui chercherait à lutter pour se maintenir illégalement au pouvoir. Cet acte serait facilement interprété comme un coup d'Etat civil (ou coup de force) contre la constitution. 

Les intérêts supérieurs de la nation constituent un ensemble d'intérêts déterminés par la Constitution ou le Parlement, incarnation de l'intérêt général, et qui sont distincts des intérêts privés des membres de la communauté et constituent des intérêts déclarés communs à l'ensemble des parties prenantes dans un contrat social. Ces intérêts supérieurs sont la justice sociale, l'unité nationale, la paix sociale et le développement du pays. 

Comme les conclusions de l'Accord d'Arusha ont démontré que les parties signataires s'accordaient sur le fait que les luttes de la classe politique pour accéder au pouvoir et s'y maintenir constituaient les causes profondes du conflit burundais, il est évident que l'acte de déclaration de candidature du Président de la République à la fin de son deuxième et dernier mandat soit interprété comme contraire aux intérêts supérieurs de la nation. 

b) L'acte doit compromettre gravement la paix sociale. 

La deuxième condition que doit remplir l'acte de déclaration de candidature du Président de la République pour que l'acte soit qualifié de haute trahison est que l'acte doit compromettre gravement soit l'unité nationale, soit la paix sociale, soit la justice sociale ou soit le développement du pays.

Quoi qu'il est aussi aisé de démontrer que l'acte de déclaration de candidature du Président de la République est susceptible de compromettre l'unité nationale, la justice sociale et le développement du pays, il est plus facile de démontrer que l'acte de candidature réuni toutes les conditions pour compromettre gravement la paix sociale. 

Il est de notoriété publique que durant les jours précédents et ceux qui ont suivi le rejet par l'Assemblée Nationale du projet de modification de la constitution soumis par le Gouvernement en date du 21 Mars 2014 des actes d'intimidation, de harcèlement à l'égard d'autres membres de formation politiques de l'opposition orchestrés par les corps de sécurité et la Jeunesse du Parti CNDD-FDD démontrent que toute tentative d'introduire un troisième mandat ou de déclaration de candidature compromettrait gravement la paix sociale. 

Nous pouvons donc confirmer qu'une déclaration de candidature du Président de la République sera considérée comme un acte criminel de haute trahison en violation de l'article 117 alinéa 2 de la Constitution et faisant intervenir la responsabilité pénale du Président de la République. 

2. Les conséquences résultant d'une déclaration de candidature du Président de la République. 

Dans les conditions normales de gouvernance démocratique, une déclaration de candidature du Président de la République justifierait le déclenchement de la procédure de mise en accusation du Président de la République pour haute trahison par le Parlement (article 118) ou par une équipe de trois magistrats du Parquet Général de la République présidée par le Procureur Général de la République. (Article 117, al.5). 

Malheureusement, eu égard à l'inexistence de la Haute Cour de Justice depuis la promulgation de la présente constitution, les conditions normales de gouvernance démocratique n'étant plus réunies, il est difficile que la procédure de mise en accusation du Président de la République soit déclenchée. 

Le Président de la République s'étant refusé, pendant les neuf années de son mandat, d'initier et de promulguer une loi organique qui détermine les règles d'organisation et de fonctionnement de la Haute Cour de Justice ainsi que les procédures applicables devant elle conformément à l'article 236de la Constitution, ce manquement grave à ses obligations constitutionnelles constitue à tout le moins une faute grave. Néanmoins, il peut aussi être considéré comme un acte de haute trahison dans la mesure où ce manquement constitue une violation de la constitution et qu'il est possible de considérer que ce manquement soit contraire aux intérêts supérieurs de la nation et qu'il compromet gravement la justice sociale, la paix sociale ou le développement du pays. 

Comme le Président de la République a délibérément omis de mettre sur pied une des institutions clé prévue par la Constitution et dont le rôle est d'engager la responsabilité pénale du Président de la République en cas de besoin, nous considérons qu'une déclaration de candidature du Président de la République serait interprétée par le peuple souverain comme un acte prémédité et criminel de haute trahison dont la nature et le caractère sont synonymes de coup d'état civil. 

Conformément aux conclusions des travaux préparatoires et aux termes de l'Accord d'Arusha du 28 Août 2000 ainsi qu'au préambule de la Constitution, le peuple burundais souverain, qui est profondément conscient de la nature et de la cause des conflits qui ont jalonné son histoire, sera motivé à utiliser tous les moyens à sa disposition pour mettre un terme à cette tentative de coup d'état civil orchestrée par la classe politique du Parti CNDD-FDD pour se maintenir illégalement au pouvoir en violation flagrante de la Constitution. 

Cet acte de déclaration unilatéral de candidature serait non seulement assimilé à un crime de haute trahison mais il serait surtout considéré comme un acte longtemps prémédité par le Président de la République dans la mesure où, ayant eu connaissance de son projet de déclarer sa candidature depuis le début de son deuxième et dernier mandat en 2010, celui-ci a délibérément évité d'initier et de mettre sur pied la Haute Cour de Justice, institution hautement importante prévue par la Constitution en vue de remplir son rôle d'institution judiciaire devant laquelle le Président de la République et les deux vice-Présidents sont pénalement justiciables.

Il résulte donc des manquements graves du Président de la République au regard de ses obligations  constitutionnelles que toute déclaration unilatérale de candidature à un troisième mandat ne pourrait  pas être sanctionnée par la Haute Cour de Justice. Cette déclaration de candidature ouvrirait la voie  au peuple souverain qui serait libre d’utiliser tous les moyens à ses dispositions pour mettre un terme  à ce coup de force du Président de la République. 

La tentative du Président de la République d’envisager une requête devant la Cour Constitutionnelle  en vue d’interpréter le contenu de l’article 96 de la Constitution serait considérée comme une faute  grave dans la mesure où le Président de la République avait déjà démontré qu’il comprenait la  nature, le contenu et les effets juridiques de cette disposition qui ne souffre d’aucune ambigüité. 

En effet, dans le projet d’amendement de la constitution, l’article 96 avait subi une modification qui  permettait à l’actuel Président de la République de procéder à une troisième déclaration de  candidature. Une requête en vue d’interpréter le contenu de l’article 96 de la Constitution serait  considérée comme un acte délibéré de contourner la sanction populaire du vote de rejet du  Parlement. Cette requête serait la manifestation de la mauvaise foi du Président de la République qui prétendrait qu’il a besoin d’un éclaircissement sur la portée de ladite disposition alors que  quelques mois auparavant il avait initié un projet de modifier cette disposition. La tentative de  modification de cette disposition constitue la preuve irréfragable que le Président de la République a une parfaite compréhension de la nature de cette disposition et des limites qu’elle portait sur le  nombre fixe de deux mandats dont il a le droit d’assumer.

1 La limitation constitutionnelle du nombre de mandats, IOB par S Vanderginste, Working paper,2014-04, p. 7
2 Ibidem, p. 7

3 L'éligibilité de l'actuel Président de la République du Burundi, IOB Working paper 2012-2013, p.12

4 Accord de paix et réconciliation d'Arusha ; Protocole II, Chap.1, article 7, para 3.

5 Accord de paix et réconciliation d'Arusha signés le 28 Août 2000 ; article 4 ; page 16

 

 

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