Coup d'œil sur le fascisme
Qu'est-ce qui caractérise le parti fasciste de Benito Mussolini ? A titre de rappel, Mussolini était d'abord membre du parti socialiste italien. Il le quitta pour fonder son journal, Il popula d'Italia, et ses Faisceaux d'action révolutionnaire en 1915. En mai 1923, à Milan, il lance les faisceaux de combat, organisés dans les escouades des Chemises Noires au service des grands propriétaires fonciers. En février 1921 il fonde un syndicat fasciste qui deviendra, le 9 novembre 1921 le Parti national fasciste.
Sur le plan tactique, le parti fasciste recherche des alliances avec les conservateurs. Il a une idéologie de droite et s'emploie à contrôler et mater les ouvriers et maintenir le taux de profit des patrons. Une fois appelé au gouvernement, Mussolini prend deux mesures révélatrices : il institutionnalise la milice fasciste et la charge d'encadrer les Chemises noires, et le Grand Conseil chargé d'assurer le lien entre le parti fasciste et le gouvernement.
Ensuite il fait adopter une loi électorale visant à donner aux fascistes et alliés une confortable majorité parlementaire. En 1924, les fascistes remportent les élections après une campagne électorale très violente. « La fascisation de l'Etat sera achevée en deux ans : suppression de la liberté de la presse, interdiction de la franc-maçonnerie, puis de tous les groupes et partis d'opposition, dont les dirigeants sont emprisonnés ou contraints à l'exil, voire assassinés... »1 Beaucoup d'entre eux mourront en prisons, dont Antonio Gramsci.
Le fascisme est porté au parti unique avec une armature rigide, une forte centralisation et des liaisons verticales fortes. Il fait un encadrement des masses de type militaire : sa base est la milice ou la section d'assaut avec comme objectif principal : être le plus fort.
« Le fascisme repose sur le culte de la force et de la violence. Spécialement pour maintenir par la contrainte l'ordre ancien quand est redouté l'avènement d'un régime démocratique ou socialiste »2 .Les partis fascistes mènent un combat de type militaire, avec des entraînements militaires.
Quand le parti fasciste participe aux mécanismes électoraux ou parlementaires, c'est pour s'imposer par tous les moyens. Un parti fasciste c'est l'organisation de la violence pour conquérir ou conserver le pouvoir par la force.
Le CNDD-FDD règle les contradictions à la manière des fascistes
Prenons quelques exemples qui ne datent pas d'aujourd'hui. Lorsque le député Basabose a dénoncé les malversations du réseau du parti, la réaction a été de l'expulser du parti sans respecter les procédures normales. Et quand il a voulu tenir une conférence de presse à son domicile, le 17 avril 2006, pour éclairer l'opinion, les journalistes venus assister à la conférence ont été purement et simplement séquestrés des heures durant. Le lundi 17 avril 2006, alors qu'ils participaient à une conférence de presse donnée par le député Matthias Basabose dans sa résidence, une trentaine de journalistes y ont été maintenus contre leur gré pendant près de 7 heures. Le ministre de l'intérieur Evariste Ndayishimiye déclara le dimanche 23 à Rumonge que le président allait récompenser le policier responsable de cette séquestration suscitant l'indignation de la Fédération Internationale des Journalistes-FIJ.
De même, l'ex vice-présidente Alice Nzomukunda, qui n'était pas alignée sur les positions tortueuses du parti a échappé à un attentat et finalement elle a jeté l'éponge en démissionnant .
Les journalistes de la presse privée ont été menacés, emprisonnés, et certains ont dû se cacher ou s'exiler. Pour une opinion exprimée, le pouvoir les accuse de trahison, de diffamation, d'outrage à l'autorité. Des centaines de gens, accusés d'être membres du mouvement F.N.L. ont été sauvagement assassinés, notamment à Muyinga.
Des politiciens dont l'ex président NDAYIZEYE et son ancien vice-président A. KADEGE, et récemment, le vice-président du FRODEBU Frédéric BAMVUGINYUMVIRA, ont été jetés en prison durant des mois sans qu'aucune charge ne soit retenue objectivement contre eux. Des activistes de la société civile ont été emprisonnés pour avoir dénoncé les manquements politiques ou économiques du pouvoir. Le cas le plus flagrant de ces derniers jours est celui de Pierre Claver Mbonimpa, un activiste internationalement reconnu des droits de l'Homme, qui vient d'être jeté en prison. Accusé d'atteinte à la sûreté intérieure et extérieur de l'Etat, ce sexagénaire vient d'être mis derrière les barreaux. Son vrai crime est d'avoir dénoncé les entrainements militaires des miliciens du parti au pouvoir au Burundi et en RDC. D'autres avant lui l'avaient fait, dont le Bureau des nations unies au Burundi, BNUB. L'ADC IKIBIRI également.
Le 07 Février 2007 se tient le congrès de Ngozi. Le président du parti CNDD-FDD est démis de ses fonctions. Jérémie Ngendakumana est désigné comme président du parti au pouvoir.
22 parlementaires issus du CNDD-FDD décident de boycotter les travaux du groupe parlementaire de ce parti.
La nuit du 19 au 20 août 2007 : agression synchronisée, avec des armes de guerre contre certains députés de l'opposition dont: les députés :NDIKUMANA Nephtali du CNDD, NDUWABIKE Jean-Marie du CNDD-FDD, MPAWENAYO Pasteur du FRODEBU, NDUWUBURUNDI Félicien du FRODEBU et, M. BAMVUGINYUMVIRA Frédéric, vice-président du FRODEBU.
En août 2007, la crise institutionnelle se creuse. Le parti présidentiel a perdu la majorité qualifiée pour faire passer les lois : 15 députés sont de l'Uprona, 3 du CNDD, 20 sont proches de Radjabu et 27 sont du Frodebu. Sur un total de 118 députés, 65 se retrouvent alors dans l'opposition. Il fallait une majorité des deux tiers pour faire passer une loi soit 79 députés. Or le parti au pouvoir ne pouvait compter que sur 53 au maximum. Et au sénat, 21 sénateurs sur 49 étaient dans l'opposition.
Le Président de l'Assemblée nationale, Pie NTAVYOHANYUMA rédigea alors une demande adressée le 5 juin 2008 à la cour constitutionnelle afin qu'elle déchoit de leur siège 22 députés qui avaient démissionné du parti au pouvoir. Le 6 juin 2008, la cour constitutionnelle aux ordres du chef de l'Etat rendit un arrêt inique de radiation des députés concernés.
L'obsession du parti était désormais de s'assurer une majorité confortable, lui permettant de régner sans partage, selon le réflexe fasciste : la révision du code électoral a été négociée de sorte qu'il permette les manipulations. Pire, tout le processus électoral de 2010 a été faussé et a abouti à un immense gâchis. Devant la contestation des résultats des élections communales du 24 mai 2010, le pouvoir a lancé la chasse aux opposants : interdiction de meetings, refus de participer à une campagne d'explication de son boycott de la suite des élections, arrestations des militants de l'opposition, infiltration des partis adverses et autorisation de congrès illégaux pour créer des ailes fantoches, (le fameux phénomène NYAKURISATION); instauration d'un état d'exception acculant certains leaders de l'opposition à l'exil, utilisation de la milice du parti dans l'exécution de basses besognes, distribution aux dignitaires du parti, au premier rang desquels le chef de l'Etat, de propriétés terriennes usurpées sur le domaine public... Ce qui défraie aujourd'hui la chronique, à savoir la milice Imbonerakure, relève donc de la nature même du pari présidentiel : le fascisme. Toutefois, nous devons souligner une différence entre les partis fascistes européens et le CNDD-FDD, c'est que les partis d'Hitler et de Mussolini étaient nationalistes, et pour cette raison ont impulsé un certain "développement" de leurs pays alors que le CNDD-FDD est un parti des compradores qui ne font que piller et ruiner le pays.
Que faut-il en conclure ?
Que le CNDD-FDD n'organisera jamais des élections dignes de ce nom. Que son penchant naturel est le massacre et/ou la guerre. Qu'il va falloir, si l'on veut éviter le pire, une force internationale pour désarmer la milice Imbonerakure et frayer la voie à des élections justes et transparentes.
« Il vient une heure où protester ne suffit plus : après la philosophie, il faut l'action. »(Hugo)
Notes:
- Robert Paris, « Les fascismes. Les révolutions ambiguës : la violence et la guerre » in : Sous la direction de Marc Ferro, Comprendre les idées du XXème siècle, Marabout Université, Verviers, 1977, p. 60
- Roger-Gérard Schwartzenberg, Sociologie Politique, Editions Montchrestien, 1998, 5ème édition, p. 426