jeudi, 29 mai 2014 08:15 Écrit par  Frantz Buntu

La culture de stévia au Burundi : une politique agricole affligeante

La culture de stévia au Burundi : une politique agricole affligeante Une pépinière des plants de stévia à Kigarama, commune Ndava. Photo Iwacu

Le 09 mai 2014, le site internet arib.info rapporte une nouvelle de l'agence de presse chinoise Xinua selon laquelle, le conseil du ministre du 7 et 8 mai avait examiné un projet d'introduction de la culture du stévia au Burundi. La ministre de l'agriculture aurait justifié la culture de cette plante par le besoin de multiplier les sources de devises.

Iwacu nous apprend qu'un homme d'affaires burundais n'a pas attendu la décision du gouvernement. Les pépinières sont déjà lancées, et une plantation de 1000 ha débute dès l'année prochaine dans la province de Mwaro, avant de s'étendre à d'autres régions.

Au moment où le Burundi est considéré comme le pays le plus affamé du monde, est-il logique de privilégier les cultures de rente au détriment des cultures vivrières ?

Le stévia c'est quoi ?

Stévia est une plante qui est originaire de l'Amérique du Sud, connue pour son goût très sucré, mais dépourvue de saccharose, donc ne pouvant pas augmenter le taux de sucre dans le sang. Avec l'explosion de l'obésité, de diabète et leurs corollaires de maladies cardiovasculaires dont le sucre de canne et de betterave constituent un des grands facteurs, le recours aux édulcorants est de plus en plus conseillé par les médecins. Le stévia a l'avantage de fournir un édulcorant naturel donc non synthétique comme la plupart de ceux qui sont sur le marché actuellement.

Le fléau de la faim au Burundi et ses conséquences.

Il y a un fait indiscutable : les burundais ont faim. Le régime de Nkurunziza et ses thuriféraires peuvent clamer que tout baigne dans l'huile, que les burundais sont heureux grâce au CNDD-FDD mais la famine poursuit ses ravages !

La très officielle Radiotélévision Nationale du Burundi (RTNB) nous apprenait déjà le 18 juin 2013 que « Près de 60%, c'est le taux de malnutrition au Burundi, un taux alarmant puisque les normes de l'OMS tablent sur 40. »

The Gardian du 09 avril 2014 enfonce le clou en écrivant que les familles burundaises dépensent plus de 70% de leur revenu pour se nourrir. Malgré cela, poursuit le journal, 58% des enfants âgés de moins de 5 ans souffrent de malnutrition. Et le journaliste poursuit que selon le dernier rapport d'Oxfam le Burundi est le pays où la population souffre le plus de faim dans la monde ; 67% de la population y sont victimes de la sous-alimentation.

Des conséquences désastreuses :

La santé de la personne malnutrie et surtout de l'enfant est particulièrement fragile. L'enfant souffrant de malnutrition sévère c'est un « sidéen sans virus du sida ». Ses défenses immunitaires sont très faibles, et toute infection banale chez un enfant mal nourri, devient grave sur ce terrain affaibli. Les diarrhées, la rougeole, la tuberculose, etc. trouvent un terrain très réceptive.

Il est actuellement prouvé qu'un enfant qui a souffert de malnutrition pendant les deux premières années de sa vie aura ses capacités intellectuelles particulièrement affectées et ses chances sont quasi nulles d'effectuer des études supérieures. Il faut ajouter les dizaines de milliers d'abandons scolaires dus à la faim.

Il est donc clair, que les déclarations intempestives de Nkurunziza de soins gratuits aux enfants de 0 à 5 ans et d'école primaire gratuite ne resteront que des slogans tant que les enfants souffriront désespérément de faim.

Les conséquences économiques ne sont pas des moindres. D'après l'Unicef, le Burundi perdrait annuellement 102 millions de dollars à cause de la malnutrition. Selon l'agence Xinua du 10 avril 2014, Dr Ngomirakiza, directrice du Programme National Intégré de l'Alimentation et de Nutrition (PRONIANUT) aurait déclaré que le Burundi perd 3% de croissance économique à cause de la malnutrition.

Le problème des terres arables.

En dehors de quelques oligarques du CNDD-FDD et de leurs compères des régimes de l'UPRONA qui possèdent des étendues de terre, les paysans burundais ont des exploitations agricoles exiguës, parfois n'atteignant même pas un demi-hectare. L'Université de Sherbrooke estime que 91, 64% des terres arables sont exploitées en 2014, y compris les marais1. Les personnes sans terres se sont lancées à l'assaut de Bujumbura. Le nombre de personnes '' garés'' à la gare du Nord de la capitale, sur la route menant à Gitega-Ngozi donnent l'idée de l'ampleur du désastre. Et personne ne semble mesurer les conséquences d'un nombre aussi important de sans emploi.

Une incohérente politique socio-économique du CNDD-FDD.

A la lecture de ce qui précède, la lutte contre la faim devrait constituer une urgence nationale. Non seulement pour des questions humanitaires, mais aussi pour des raisons économiques.

En effet, des milliards de francs burundais dépensés pour les soins médicaux pourraient être économisés si nos enfants étaient correctement nourris. Et les adultes seraient plus productifs, parce que en bonne santé.

Les multiples redoublements et les abandons scolaires qui ont certainement un coût financier devraient diminuer et permettre des économies.

Et contrairement à ce que croit la ministre de l'agriculture de Nkurunziza, il n'y a pas que les cultures de rente pour rapporter les devises. Le riz rapporte des milliards de dollars à la Thailande, au Vietnam, et au Pakistan et nourrit en même temps les populations de ces pays producteurs. Certains pays de l'Afrique australe exportent leurs excédents de maïs(en dehors des périodes de sécheresse), des pays de l'Afrique occidentale exportent le surplus de leur production de mil ou de lentilles et gagnent ainsi des millions de devises, et cela après avoir nourri d'abord leur propre population.

La culture de stévia pourra-t-elle compenser les 3% de croissance économique que le pays perd chaque année à cause de la malnutrition ?

Etant donné la rareté des terres au Burundi, le paysan appâté par les mirobolants éventuels gains en argent risque de sacrifier les cultures vivrières au bénéfice du stévia. Ce sont les images des burundais affamés, squelettiques qui demain, risquent de jeter encore le déshonneur sur notre pays.

Au moment où la sécheresse s'installe, c'est une autre politique agricole que le peuple avait droit d'attendre : une hydraulique villageoise permettant l'irrigation, une modernisation de l'agriculture avec une utilisation intelligente des engrais et pesticides tout en veillant à la sauvegarde de l'environnement, un encadrement des paysans par des techniciens agricoles, une réflexion concertée sur la question des terres, etc.

L'excédent de haricots, de petits pois, de manioc, de maïs, etc. pourra être exporté et rapportera des devises. Mais au préalable, les burundais auront d'abord satisfait un des plus élémentaires des droits : manger à sa faim.

Si un avocat peut consoler un enfant affamé, de quoi en est-il d'une feuille de stévia ?

Notes:

  1. http://perspective.usherbrooke.ca

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