Actuellement, dans les routes de Bujumbura, à celui qui s'aventure à chercher plus d'informations à ce sujet, une seule et brève réponse est donnée : « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire ». Si une chose mérite qu'on la dise, elle mérite qu'on la répète. Pourquoi une telle fausse faveur pour les uns au détriment des autres ? Nul n'est au-dessus de la loi.
Après huit ans, plusieurs situations se sont observées. Certains motards font le malin, foncent et font arriver leurs clients au centre-ville, à leurs risques et périls. Les uns arrivent sains et saufs et d'autres sont arrêtés, se font confisquer leurs motos après avoir reçu des coups de matraque de la part des policiers. D'autres renoncent à ce risque et se contentent des quartiers qui leur sont permis .A côté de ces deux groupes, se trouve un groupe de motards hors du commun. Ils sont dits appartenir aux BAMUTAMA selon l'expression inventée par le pouvoir en place et répétée innocemment par les villageois. Bamutama serait une poignée de généraux et de dirigeants civils proches du pouvoir. Tous les motards qui se réclament de cette poignée font comme ils veulent dans la capitale. La journée comme la nuit, sans casques, sur des motos sans plaques d'immatriculation et souvent avec deux clients. Ils s'arrogent le droit de circuler dans le périmètre interdit. La police assiste impuissante à ce trafic, car celui qui, par excès de zèle, oserait les arrêter, serait gravement sanctionné, muté, voire tué. Aux heures tardives de la nuit, ces motards se muniraient de poignards pour traquer quiconque est considéré comme un obstacle à leur trafic.
Vraiment, en Afrique en général et au Burundi en particulier, les lois sont comme des toiles d'araignée où ne passent pas les petites mouches, mais où passent librement les grosses. Au départ, ces généraux et ces administratifs avaient pris le maquis pour protester contre la violation de la loi. Voilà des gens qui oublient comme ils respirent. Ils ont oublié presque l'essentiel, jusqu'à oublier que les veilles marmites sont celles où se prépare la meilleure nourriture. Ici, les veilles marmites sont des hommes et des femmes plus rodés en politique, auprès desquels ils devraient s'informer concernant l'abus du pouvoir.
La seule chose qu'on peut demander à une statue c'est d'être là où elle est. Quelle que soit la faiblesse du gouvernement, il ne doit pas manquer le courage de traiter la population au même pied d'égalité du moins en matière de la justice. Si un subalterne commet incessamment une faute devant son chef, celui-ci devient inévitablement fautif : il est accusé de laxisme ou de complicité. A ce sujet, les policiers m'ont soufflé : « Le gibier qui a souillé la lance du chasseur et celui l'a entendu parler, ne se sauvent pas de la même façon ».
Le gouvernement, dans ses devoirs envers son peuple, doit faire le plus possible et le mieux possible de ce qui est possible, dans le moins de temps possible, pour arrêter une telle situation d'injustice flagrante qui, au demeurant, entraînera d'abord des conflits entre les motards, ensuite la révolte populaire.