- «En tant que père de la Nation toujours soucieux du bien-être de la population » Il n'y a que dans les régimes autoritaires et autocrates que l'on utilise encore ces termes hérétiques, de ''père de la nation''. Où, dans notre constitution, est-il dit que le président de la République, élu au suffrage universel peut-il se targuer ou peut prétendre être le père de la nation? De plus, un père qui ne donne pas à manger à ses enfants, mérite-t-il réellement d'être le père de la nation ? Lui-même, Pierre Nkurunziza, se sent-il vraiment dans la peau d'un père de la nation ? Le langage est le meilleur indicateur de notre état d'esprit. Très souvent, les burundais se surprennent en train de dire que '' Leta ari umuvyeyi wa bose'' ( le gouvernement est le père ou la mère de tous). Ce n'est pas vrai : le gouvernement est l'émanation des citoyens, et pas l'inverse. Il doit donc beaucoup de respect à ces derniers, tout comme il mérite tout notre respect, comme celui que nous devons à nos enfants. Ceux qui écrivent les communiqués et déclarations officielles du Chef de l'Etat devraient faire preuve de retenue et de ne pas déifier le chef de l'Etat, dans leur tentative de le faire endormir. Si lesdits conseillers se sentent les obligés du président car leur procurant salaire et autres avantages, il n'en est pas de même pour l'ensemble des citoyens. Par contre, et cela devrait être écrit en lettres d'or, le président de la République est le serviteur des citoyens. Il a l'obligation de les servir et de ne pas se servir. Son règne ne relève pas du droit divin ou traditionnel. Il s'inscrit dans la modernité qui ne veut ni de seigneur, d'altesse, de sérénissimes ou d ''excellence. Aidez le président à rester ce qu'il est : un homme, un mortel. Dans notre pays, les dirigeants ont été souvent plus victimes des quémandeurs que de leurs défauts. A eux donc de se prémunir contre les caresseurs dans le sens du poil jusqu'à l'enivrement suicidaire.
- «Dans le souci de voir les étudiants en grève en général et en particulier les étudiants qui se sont fait réinscrire malgré les intimidations multiples et multiformes à leur égard, regagner les auditoires pour continuer les études ». Le chef de l'Etat devrait se garder de poursuivre cette action de sape et de division des étudiants. L'on peut comprendre. Ceux qui ont tenu bon, ceux qui n'ont pas été lâches et n'ont pas subi les pressions émanant du pouvoir, devraient être particulièrement remerciés. Le président devrait d'abord demander des comptes au ministre de l'enseignement supérieur. Se poser la question sur ce que mérite un ministre qui induit en erreur le chef de l'Etat et le gouvernement par une mesure aussi irréfléchie et d'une si grande impopularité. Le discours du Chef de l'Etat devrait donc être clair et ne pas être entaché des sous-entendus sur une vision manichéenne de l'existence au sein de l'Université des bons et des méchants.
- «Conscient des maigres moyens financiers de l'Etat mais visant surtout la priorité du bien-être des populations burundaises en général et des étudiants en particulier ». Monsieur le président, le mensonge est le pire des vices. Même si beaucoup dans votre camp y voit une virtuosité politique. « Ikinyoma kiririgwa ntikirara ». Et vous connaissez très bien l'opinion que le public a de vous. On ne peut pas convaincre quand on fait état de '' maigres moyens financiers de l'Etat'' quand vous et vos proches vivez dans un scandaleux lucre. Vous ne pouvez pas parler de mensonge quand les caisses de l'Etat sont vidées au vu et au su de tout le monde, et que tout est sur la place publique. Mettez de l'ordre dans la maison, Monsieur le Président, et surtout, enlevez de votre tête l'idée d'un 3ème mandat qui sera catastrophique pour le pays et pour vous-même. Il ne s'agit d'un rejet de vous-même, mais d'un rejet de vos actions et des résultats de votre mandat qui est une catastrophe en réalité en dépit des discours d'autoglorification dont votre entourage, et peut-être vous-même,êtes passés maîtres.
- « En dépit du caractère répréhensible de certains des actes de cinq étudiants de l'Université du Burundi, Son Excellence invite les instances habilitées à lever les sanctions d'exclusion qui étaient prises à leur endroit». Il s'agit ici d'une fausse magnanimité. Les étudiants n'ont rien fait de répréhensible, surtout pas les cinq qui sont aujourd'hui en passe d'être des héros. Il ne faut pas aller à contre-courant de l'opinion. Au sein de la communauté universitaire, les représentants des étudiants sont aujourd'hui adoubés par l'ensemble de la communauté universitaire et le public. Ayez-les à l'œil, non pas pour leur faire du mal, mais pour vous en approcher aussitôt qu'ils terminent leurs études. Ce sont de ces hommes courageux dont le pays a besoin. Il faut sanctionner ceux qui vous ont induit en erreur. Au lieu donc d'exclure les étudiants comme certains de vos brebis l'avaient recommandé, ce sont ces derniers qu'il faut mettre en sursis.
- Son Excellence appelle tous les étudiants à regagner les auditoires à la date que le Ministère fixera et la voudrait au 21 avril 2014 pour réduire le retard déjà enregistré et ainsi terminer l'année académique en cours et débuter la prochaine dans les délais raisonnables. ''Son Excellence'' n'est pas une dénomination ni un titre. C'est un appel ou une référence au respect certes mais son usage à tort rappelle étrangement l'usage de celui de '' son altesse'' de l'époque de la seigneurie qui n'est plus de nos jours. Les courtisans les plus versatiles sont maîtres dans l'art de quémander . Et ce sont ceux-là qui excellent dans la flatterie des seigneurs. Pierre Nkurunziza n'est ni un roi, ni un seigneur. Il est président de la république, élu théoriquement au suffrage universel même avec les fraudes massives électorales de 2010. Il est là par la volonté du peuple. De ce fait ses courtisans, puisque l'on ne peut les appeler autrement, doivent l'appeler par et pour ce qu'il est : un président de la république, élu par le peuple, donc au service du peuple. Dire donc que '' Le président de la République ( au lieu de Son Excellence) appelle.... N'est pas déshonorant. C'est plutôt appeler les choses par ce qu'elles sont et non par ce qu'elles ne sont pas.Par ailleurs, l'appel à la reprise des cours le 21 avril semble ne pas avoir eu beaucoup d'écho. Encore une fois, la précipitation a eu le dessus sur une analyse froide et objective d'une situation. Car avant d'appeler les étudiants au bercail, il faut d'abord supprimer le décret infâme. Celui-là qui est à l'origine de tout ce désordre qui n'honore nullement la République dont les dirigeants actuels viennent d'être humiliés par ses propres fils. Du rarement vu. Au lieu donc de commencer par l'abrogation de l'ordonnance ministérielle,il fallait commencer par annuler le décret présidentiel du 14 janvier 2014 portant réorganisation de la commission de gestion des bourses d'études et de stages fixant les principes généraux d'octroi, de reconduction et de retrait d' études et de stages ainsi que les modalités d'assistance aux lauréats éligibles à l'enseignement supérieur au titre de l'année académique 2013-2014 visant la suppression progressive de la bourse d'étude des étudiants. Ne jamais mettre la charrue avant le bœuf. Aujourd'hui le gouvernement, et le Chef de l'Etat risquent d'être doublement humiliés, si le Chef de l'Etat ne réagit pas directement, On ne peut abroger une ordonnance, sans abroger le décret dont elle émane.
- Son Excellence demande aux concernés d'organiser rapidement la mise en place démocratique des organes légaux des représentants des étudiants à l'Université du Burundi afin d'avoir des interlocuteurs reconnus par tous et par le règlement. Cet appel ressemble beaucoup à une ingérence du Chef de l'Etat dans l'organisation interne des étudiants. Pour qui sait lire entre les lignes, il s'agit d'un appel à la '' Nyakurisation'' des organisations des étudiants, afin de doter ces organisations des représentants dociles. Dieu merci si cela se révélait être.
- Son Excellence demande aux ministères concernés d'accélérer la préparation des états généraux de l'éducation pour avoir entre autres la compréhension commune dont celle des étudiants, des disparités entre la croissance des flux d'étudiants et la non disponibilité des moyens financiers au même rythme, afin de poser des solutions durables pour le développement du système éducatif burundais. C'est pourquoi, ces derniers y seront suffisamment représentés et auront l'expérience de ceux de certains autres pays. Ce sont ces états généraux qui auraient dû commencer. Toujours la charrue avant le bœuf et le refus à la concertation. Mais ils doivent s'inscrire dans une politique globale, dans un projet de société. Le chef de l'Etat devrait d'abord consulter le projet de société de son parti sur l'éducation, et sur l'Université en particulier. Et si rien n'est dit sur le secteur éducation, prendre conscience que son parti a oublié l'essentiel, à savoir la jeunesse. C'est dans ce cas à cette dernière de tirer les conclusions qui s'imposent : nous avons un pouvoir sans vision de l'avenir.
- Son Excellence déplore cependant la décision de grève qui a fait perdre le temps aux étudiants et les moyens financiers à l'Etat et rappelle que le temps perdu ne revient jamais et que comme disent les Anglais « Time is money ». Il déplore en outre et surtout certains dérapages de langage dans l'expression de leurs doléances allant à politiser la question par ajout de multiples autres interrogations qui ont pourtant d'autres cadres de gestion. Les conseillers en communication du Chef de l'Etat devraient veiller à la solennité du discours d'un président de la République. Le fait d'angliciser, sans doute pour exposer un certain degré de culture et de connaissance générales n'y change rien. On doit veiller au contenu de la communication et des termes appropriés, et surtout éviter un français approximatif. Ceci est pour la forme. Pour le contenu, le Chef de l'Etat (et pas son excellence encore une fois) devrait être franc et ferme en affirmant sans faux fuyant que le décret présidentiel et l'ordonnance ministérielle ont fait perdre beaucoup de temps aux étudiants, aux professeurs, au ministère et à l'Etat. Plutôt que chercher le bouc émissaire chez les victimes, assumer. C'est cela que l'on attend de tout chef d'Etat, ici chez-nous comme ailleurs. Il n'a pas été question de politiser par '' certains dérapages de langages''. Force est tout de même de constater que le décret et l'ordonnance sont d'essence politique. Peut-on dès lors accuser les étudiants d'avoir politisé le débat ? Les étudiants ont été extrêmement prudents, évitant même la récupération de leur revendication par des partis politiques. Cela nous fait croire que la jeunesse mûrit. Et l'on ne peut que s'en réjouir au lieu de jeter l'opprobre sur cette jeunesse qui nous regarde, nous observe, nous juge et nous jauge.
- Son Excellence conseille et interpelle les étudiants à garder l'esprit de respect aux parents, aux éducateurs et aux institutions surtout qu'ils sont eux-mêmes les gestionnaires de demain et que la morale surtout religieuse nous y convie et nous en garantit les bénédictions. Il les appelle à plus de sens de responsabilité, de patriotisme, de civisme et de foi. Son Excellence exhorte les Partenaires Techniques et Financiers de comprendre cette mesure qui perturbe certes l'équilibre budgétaire et leur demande de venir plutôt en appui au Gouvernement afin de réussir cette mesure sociale salutaire. Il termine par souhaiter « Bonne Fête de Pâques » à tout le peuple burundais et aux étudiants en particulier dans les campus. La manière dont la jeunesse s'est comportée durant cette tragi-comédie mérite des éloges. Ils n'ont donc de leçon à apprendre de personne sur ces notions de ''responsabilité, de patriotisme, de civisme et de foi''. De la foi, tiens parlons-en. Au-delà des cirques organisés régulièrement par le Chef de l'Etat, peut-on croire une seule seconde qu'il est vraiment chrétien? Ne jugeons pas. Et il devrait faire de même, car seul le créateur est témoin. Qu'il n'oublie jamais en tout cas : ceux qui tuent par l'épée mourront par l'épée. Quand à l'équilibre du budget qui serait perturbé par cette mesure présidentielle, le chef de l'Etat peut-il dire à la face du monde et des Burundais à quand date l'équilibre budgétaire dans notre pays ? Encore une fois, le réalisme s'impose dans la gestion d'une nation. Parmi ces étudiants indûment malmenés, figurent des économistes. Il faut le savoir le savoir M. le président
Et Bonne fête à vous M. le Président