Questions orales avec débat adressées aux Ministres de la Justice et garde des sceaux (JGS) et des Relations extérieures (RECI) sur la mort du Président Cyprien Ntaryamira et des Ministres Bernard Ciza et Cyriaque Simbizi.
A. Les faits.
- Le 5 février 1994, M. Cyprien Ntaryamira accédait à la magistrature suprême du Burundi, pays alors en proie à une grave crise consécutive à l'assassinat du premier président Burundais démocratiquement élu, le regretté Melchior Ndadaye.
- Le 6 avril 1994, soit deux mois à peine après son investiture, il a trouvé la mort au-dessus de l'aéroport de Kigali au Rwanda, suite à des tirs de missiles sur le Falcon 50 du Président Rwandais Juvénal Habyarimana, qui le ramenait de Dar es Salam où venait de se tenir un sommet sur la situation au Burundi. Ont trouvé la mort avec lui les ministres Bernard Ciza et Cyriaque Simbizi.
- Cet acte ignoble peut être juridiquement qualifié d'acte de terrorisme international1 étant donné que le Burundi n'était à ce moment là en guerre contre aucun pays ou, alternativement, de crime de guerre ou de crime contre l'humanité2 eu égard au contexte de guerre civile qui prévalait au Rwanda à cette époque.
- En toute hypothèse, des dommages graves ont été subis par le Burundi. Par la mort du Président et de ses ministres, l'institution suprême du pays a été décapitée. La nation tout entière a été endeuillée, son honneur et sa sécurité ont été gravement ébranlés. Le gouvernement a été amputé. Et les familles des victimes, parents, veuves et orphelins ont été privés d'affection, de protection et de soins.
- Malgré la gravité monstrueuse de l'attentat, les autorités rwandaises n'ont ordonné aucune enquête pour déterminer la cause de cette mort et informer le peuple burundais sur les circonstances exactes de l'attentat contre les illustres personnalités burundaises.
- Par ailleurs, les différents gouvernements burundais qui se sont succédés jusqu'aujourd'hui n'ont jamais initié aucune démarche en direction du Rwanda aux fins d'obtenir une enquête judiciaire nationale rwandaise, conjointe burundo-rwandaise ou internationale. De même, ils n'ont pas non plus effectué des démarches afin d'obtenir des indemnités pour les familles endeuillées auprès de l'assureur de l'appareil ou du Rwanda. Aucune initiative visant à consoler, défendre et protéger les veuves et orphelins n'a été prise, tout comme rien de remarquable n'a été fait pour honorer et garder en mémoire les disparus.
- Curieusement, en dépit de sa légitimité et de son autorité, même le gouvernement actuel se comporte comme si de rien n'était et semble être convaincu que des relations normales voire amicales peuvent être entretenues, en passant outre le règlement de cette affaire d'une extrême gravité.
- Ainsi, de nombreuses visites officielles ont été effectuées au Rwanda par des autorités burundaises mais la question de l'attentat n'a jamais été soulevée par la partie burundaise au moment où le Rwanda parvient à inscrire à l'agenda des questions qui lui tiennent à cœur. C'est ainsi par exemple que lors de la visite de madame la Ministre des Relations extérieures et de la Coopération internationale, les 14 et 15 novembre 2005 en République rwandaise, le communiqué final disait entre autres que : « Sur le plan bilatéral, les deux délégations ont convenu de ce qui suit : (...) 7.2.Tenir des réunions des sous commissions techniques avant la fin de l'année 2005 sur les questions urgentes, en l'occurrence les immigrants illégaux, la démarcation de la frontière commune, la question des pensions des agents complémentaires Rwandais ayant travaillé au Burundi, la sécurité à la frontière commune ; 7.3. Renforcer davantage la coopération dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité ; (...)
- Face à cette attitude de passivité et d'amnésie volontaire, les burundais sont en droit de se demander si la souveraineté et la dignité nationales ont un sens pour ce gouvernement. C'est dans ce cadre que nous nous permettons, en notre qualité de représentant du peuple, de soumettre, conformément à l'article 202 de la constitution et l'article 120 du Règlement Intérieur de l'Assemblée Nationale, des questions orales avec débat pour lesquelles les burundais attendent légitimement des réponses depuis longtemps. Ces questions s'adressent aux autorités concernées par ce dossier au premier chef. Il s'agit de la Ministre de la Justice et garde des sceaux et de celle des Relations extérieures et de la Coopération internationale. Face à cette attitude de passivité et d'amnésie volontaire, les burundais sont en droit de se demander si la souveraineté et la dignité nationales ont un sens pour ce gouvernement. C'est dans ce cadre que nous nous permettons, en notre qualité de représentant du peuple, de soumettre, conformément à l'article 202 de la constitution et l'article 120 du Règlement Intérieur de l'Assemblée Nationale, des questions orales avec débat pour lesquelles les burundais attendent légitimement des réponses depuis longtemps. Ces questions s'adressent aux autorités concernées par ce dossier au premier chef. Il s'agit de la Ministre de la Justice et garde des sceaux et de celle des Relations extérieures et de la Coopération internationale.
B. Questions.
- Questions à Madame la Ministre de la Justice et Garde des Sceaux. 1) Vous semble-t-il politiquement décent et moralement acceptable de renoncer à l'élucidation des circonstances de l'attentat et à la poursuite ainsi qu'au châtiment des terroristes qui ont attenté à la vie des très hautes personnalités Burundaises? 2) Dans le cas contraire, quelles mesures concrètes préconisez-vous pour : Etablir la vérité sur cet attentat ? Faire poursuivre et juger ses auteurs et leurs complices ? Réclamer des réparations, dommages et intérêts au profit des familles endeuillées et de l'Etat Burundais ? Protéger, aider et assister les veuves et orphelins des défunts ? 3) compte tenu du fait que l'attentat rentre dans le champ de compétence matérielle et temporelle du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), pourquoi le gouvernement ne saisirait-il pas formellement le Procureur du TPIR pour lui demander d'enquêter sur l'assassinat du Président Ntaryamira? 4) Quel est l'état des ratifications des instruments internationaux qui visent à prévenir et à réprimer les actes terroristes ?
- Questions à Madame la Ministre des Relations extérieures et de la Coopération internationale. 1) Le Peuple Burundais a-t-il oui non le droit de savoir qui a assassiné son président et ses ministres ? 2) Le Burundi ne se couvre-t-il pas de honte et de déshonneur en restant passif face à un crime attentatoire à sa souveraineté, à son intégrité et sa dignité ? 3) Que compte faire la diplomatie burundaise pour : Inviter les Autorités Rwandaises à fournir des explications ; Initier une enquête internationale sur l'attentat tout en y participant activement ; Veiller à ce que les coupables soient arrêtés, jugés et punis; Réclamer des réparations à tous ceux dont la responsabilité s'avérera engagée ; Veiller au respect des droits des familles, des veuves et orphelins ?
1 Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'avion civile signée à Montréal en 1971; Convention sur la Prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agens diplomatiques, adoptée à New York en 1973,etc.
2 Le Statut du Tribuna pénal international pour le Rwanda, dans ses art. 3 et 4 punit les violations graves du droit international humanitaire (crimes de guerre) et les crimes contre l'humanité relativement aux atrocités qui se sont déroulés au Rwada entre le 1 er janvier au 31 décembre 1994