La première cause de ce mouvement de grève est l'ordonnance ministérielle qui divise les étudiants de la première année en trois catégories dans l'octroi de la bourse d'études. La première catégorie comprend les étudiants qui pourront bénéficier de la bourse d'études, ils auront aussi la faveur de trouver un logement au campus universitaire. La deuxième catégorie comprend des étudiants qui auront la bourse d'études mais par contre, ils devront se débrouiller pour se loger en dehors du campus universitaire. La troisième catégorie est constituée des étudiants qui ne bénéficieront ni de la bourse d'études ni de la possibilité d'avoir un logement au campus universitaire. Les avantages accordés aux étudiants de première année seront proportionnels aux résultats obtenus à l'examen d'Etat à la fin du lycée.
La deuxième cause de ce mouvement de grève est une disposition de la même ordonnance ministérielle qui consacre la suspension de la bourse d'études pour tout étudiant qui reprend l'année l'académique.
En dates du 25 février 2014 et 11 mars 2104, le ministre de l'enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique a rencontré les étudiants de l'Université du Burundi et ceux de l'Ecole Normale Supérieure. Profitant des cette rencontre, Les étudiants ont exprimé vigoureusement leur indignation au ministre, et ce dernier leur a dit que leurs revendications ne relevaient pas de ses compétences. Toutefois les étudiants ont gardé espoir en attendant éventuellement une réponse positive des autorités supérieures.
Comme le Recteur de l'Université Gaston Hakiza, un homme très hostile à la démocratie représentative, avait toujours empêché la tenue d'une assemblée générale des étudiants pour qu'ils élisent leurs représentants, les délégués de classes se sont réunis et ont finalement désigné en date du 8 février 2014 un comité de cinq étudiants chargés d'acheminer leurs doléances à l'échelon supérieur.
Les membres de ce comité ainsi désigné pour représenter les étudiants ont subi des menaces à répétition proférées par le ministre ayant l'Enseignement Supérieur dans ses attributions. Il exigeait entre autres aux étudiants de retirer leur préavis de grève sans quoi, il allaient subir incessamment des sanctions sévères s'ils ne renonçaient pas à leur préavis de grève.
Dans une correspondance que 134 délégués de classes ont adressée au Ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique le 13 mars 2104, ils ont montré leur position ferme face aux menaces et intimidations du Ministre : « Nous nous inscrivons en faux contre tout mécanisme d'intimidation à l'égard de nos cinq représentants que nous avons-nous même élus à la place de tous les étudiants », ont fait entendre au Ministre les différents délégués de classes.
Dans cette même correspondance, les délégués de classes ont relevé une série de problèmes dont la solution conditionne la reprise des activités académiques : « Honorable Monsieur le Ministre, de par le mémorandum qui vous a été adressé par les universités publiques du Burundi et qui a été suivi par un préavis de grève, tous les deux contenant les mêmes indignations, il est fort remarquable que les étudiants vivent des problèmes qui nécessitent une résolution dans le but de continuer normalement leurs activités académiques », ont mentionné les délégués de classes dans cette correspondance.
Ils ont aussi demandé au ministre de ne pas s'attaquer aux personnes , mais de s'attaquer plutôt aux vrais problèmes qui minent les Universités: « C'est pour cette raison que nous vous prions , Monsieur le Ministre, qu'au lieu de vous attaquer aux personnes, il faut plutôt vous attaquer à la question, c'est-à-dire qu'il faut effectivement attaquer le problème comme dit bien un adage de notre langue, le kirundi :'Uta inkoko ntuta ico ibitse', ce qui signifie que même en l'absence de nos cinq représentants que vous commencez à intimider , tant que nos indignations demeurent, nous continuons à réclamer », ont écrit les délégués de classes à leur ministre.
Bien que les étudiants avaient demandé au ministre de s'attaquer d'abord aux problèmes au lieu de s'attaquer aux personnes, celui-ci a préféré en premier lieu attaquer les personnes en prenant contre elles des sanctions très lourdes. Sans surprise, les étudiants ont entendu par la voie des ondes dans le journal de la soirée du 13 mars 2014 le ministre de l'enseignement supérieur annoncer une sanction d'exclusion de l'Université pendant deux ans à l'encontre des cinq étudiants désignés pour représenter les autres. Ces cinq étudiants ne pourront regagner les auditoires de l'université qu'après une réinscription selon le ministre.
Le deuxième jour de grève avait été marqué par le refus à la restauration des étudiants dans les homes universitaires avant même que le Ministre prenne la décision de fermer les universités. Un étudiant du campus Mutanga qui a voulu garder l'anonymat a révélé comment Anatole Nzinahora, Directeur de la Régie des Œuvres Universitaires s'est impliqué lui-même pour refuser de la nourriture aux étudiants : « Le Directeur de la Régi des Oeuvres Universitaires est venu au guichet et a empêché les cuisiniers de nous servir le pain.... Il leur a demandé de verser par terre tout le thé qui était prêt pour nous. C'est une honte pour un être humain, de surcroît un adulte d'un âge de nos parents . Dans les conditions normales, quand il y a un retard du repas, on fait un affichage à la portée de tous les étudiants. On ne refuse jamais la nourriture aux étudiants quand l'université n'est pas fermée. Ce que nous avons vu aujourd'hui est une honte. Ce directeur voulait provoquer les étudiants à tout prix afin d'appeler les policiers pour fusiller les étudiants. Nous avons évité cela et nous avons rebroussé chemin en bredouille.»
Dans la matinée du 14 mars 2014, nous avons assisté les étudiants fermer tranquillement leurs valises et quitter les campus universitaires.
L'Université du Burundi connaît des grèves répétitives occasionnées souvent par le retard dans l'octroi de la bourse d'études. D'aucuns se posent la question de savoir pourquoi ce retard si fréquent de la bourse des étudiants? Que cache l'agenda du Ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche scientifique dans ses manœuvres de division des étudiants de la première année qui ont tous passé et réussi l'examen d'Etat? Les étudiants et même la population disent que le gouvernement en place veut favoriser les enfants des riches et empêcher les enfants des pauvres de poursuivre les études universitaires. Le Ministre de l'Enseignement Supérieur signataire de l'ordonnance scélérate consacrant la division en trois catégories les étudiants de première année ignore-t-il l'importance et le but de l'éducation universitaire ? Pour une bonne qualité de l'enseignement, ce ministre, serait-il devenu amnésique pour ignorer totalement les meilleures conditions de travail pour les étudiants dans un pays aussi pauvre que le Burundi ?