Le pharisaïsme de la communauté internationale.
Dès le lendemain de l'officialisation de la candidature de Nkurunziza au 3ème mandat illégal le 26 avril 2015, des manifestations pacifiques ont débuté, suivies d'une violente et sanglante répression. Des condamnations, des menaces de sanctions ont plu donnant l'illusion au peuple et à l'opposition burundaise d'être soutenus par la communauté internationale. Nkurunziza et son club ont malgré tout organisé à leur manière leurs élections presque sans témoin. Puis il a distribué les voix comme il l'entendait, ensuite les rôles dans cette sorte de bouffonnerie étatique et macabre. Parallèlement, la répression, la rhétorique ethniciste, les attaques belliqueuses contre la Belgique puis contre le Rwanda sont montées pour atteindre le faîte de l'indécence et de la paranoïa. La fameuse communauté internationale a accentué ses verbales condamnations, pris quelques « micro sanctions1 » . Nkurunziza a quant à lui poursuivi sa campagne de terreur et d'horreur contre la population burundaise : des arrestations massives, des assassinats, des viols, des exécutions extrajudiciaires souvent après des jours de torture et de viols, des fosses communes, des centaines de milliers de réfugiés, de la misère ; aucune souffrance n'est épargnée au peuple burundais. Mais au sein de la communauté internationale, derrière de grandiloquentes condamnations, chacun fait son petit calcul. Le Burundi est certes petit et pauvre2 , mais est situé au cœur de la Région des Grands Lacs africains, au bord du lac Tanganyika qui constitue un carrefour entre l'Afrique Orientale, Australe et Centrale. Et cette vaste région a un sous sol riche, des terres arables, des forêts et beaucoup d'eau douce.
Aussi, chaque membre de ladite communauté internationale veut garder son œil sur cette région, donc avoir un pied à Bujumbura, capitale du Burundi. Et dans ces calculs d'intérêts géostratégiques, quelques centaines voire de milliers de vies de burundais pèsent relativement très peu. Quant à la démocratie, c'est encore un trop grand luxe réservé aux « peuples civilisés », comme dirait un vieil ex-chef d'Etat européen.
Le sommet de l'absurdité ou quand Nkurunziza crie au secours.
Pour mieux détourner l'attention de ses crimes, le pouvoir de Nkurunziza n'a cessé de crier aux loups.
Dans le premier temps, Nkurunziza a joué sur la rivalité actuelle entre l'Occident et les pays dits émergeants. Il a envoyé ses émissaires dans plusieurs pays dits émergeants pour expliquer qu'il est persécuté par l'Occident qui veut imposer son genre de démocratie à tout le monde. La Belgique était tout simplement accusée de vouloir recoloniser le Burundi à travers quelques dirigeants politiques de paille. Etant donné les antécédents assez récents en Libye, en Irak, au Venezuela et ailleurs, Nkurunziza s'est vite attiré la sympathie des dirigeants de certains pays émergeants, qui ne sont pas moins intéressés par la position géostratégique du Burundi. Certaines organisations de gauche ont vu en lui un nationaliste burundais, proche des populations paysannes, persécuté également par les intérêts capitalistes. Ici la population burundaise a été victime de ce que Jean Ziegler appelle « La haine de l'Occident », qui sont un ensemble de « manifestations identitaires, fondées sur un profond désir d'émancipation et de justice émanant des peuples du Sud. »3
Nkurunziza n'est ni un nationaliste, ni un homme proche des paysans, il a su manipuler les uns et les autres. Il a brillamment imité le dictateur Mobutu, qui n'hésitait pas à faire des clins d'œil à la Chine de Mao Tse Tung quand ses amis occidentaux lui exigeaient de maquiller sa dictature de quelques paillettes démocratiques.
En deuxième temps, le Rwanda était accusé de recruter et former des combattants parmi les réfugiés burundais. Et des rapports ont été pondus par les Nations Unies et les USA. Les inimitiés entre le Rwanda et certains pays de la région devaient faire le reste. Du coup, les causes mêmes de ces réfugiés ont été oubliées pour ne se focaliser que sur les conséquences. La candidature de Nkurunziza au 3ème mandat présidentiel en violation de la Constitution et de l'Accord d'Arusha, l'organisation des élections dans un contexte de confusion totale et de répression, tous ces faits graves à l'origine de la crise actuelle sont entrain d'être couverts d'un voile de realpolitik.
Les apparents succès de Nkurunziza.
Depuis le dernier sommet de l'UA qui a enterré l'idée d'envoyer une force de maintien de la paix au Burundi, Nkurunziza et son club semblent aller de succès en succès. Les émissaires de la fameuse Communauté Internationale semblent désormais s'adresser aux usurpateurs de Bujumbura avec beaucoup d'humilité. L'on a vu un envoyé spécial des Etats Unis aux fameux travaux communautaires aux côtés de Nkurunziza. Le Secrétaire Général des Nations Unies était tout heureux d'arracher la promesse d'une hypothétique libération de 1200 prisonniers et des négociations inclusives. Or à peine parti, le président de la République a sorti un décret de grâce présidentielle qui ne concerne que : « les femmes enceintes ou allaitantes, les personnes handicapées, les personnes âgées de plus de 60 ans et les prisonniers atteints de maladies chroniques incurables ». Donc, aucun prisonnier politique ne semble concerné. Cette libération semble avoir le but de faire de la place pour les jeunes prisonniers politiques qui étaient détenus depuis quelques temps dans des containers faute de place dans les prisons archicombles du pays. Quant aux négociations inclusives, le tout puissant conseiller spécial de Nkurunziza en communication a rapidement déclaré que ni le CNARED , ni les mouvements rebelles ne participeront aux négociations. Quelques jours après Nkurunziza a reçu une délégation de 4 chefs d'Etats et un premier ministre africains délégués par l'Union africaine. Et au lieu d'appeler à de véritables sanctions les seules à même d'obliger Nkurunziza à négocier avec l'opposition, les compères ont plutôt demandé de rétablir l'assistance financière suspendue. Ni l'opposition ni la société civile n'ont été déçues, car sachant d'avance que cette énième initiative était vouée à l'échec.
Nkurunziza est convaincu que la communauté internationale est plurielle, avec des intérêts divergents. Il joue avec dextérité sur leurs rivalités. Nkurunziza sait aussi, qu'il tient la même communauté internationale grâce aux six mille militaires (6 000) engagés dans des missions de paix en Somalie et en Centrafrique. Le même Nkurunziza ne peut totalement rompre avec la communauté internationale puisque ces braves soldats lui permettent en même temps d'engranger des dividendes non seulement diplomatiques mais surtout des espèces sonnantes et trébuchantes. En somme Nkurunziza et la communauté internationale se tiennent par la barbichette.
Le dernier mot sera au peuple burundais.
Pendant que Nkurunziza et les « grands de ce monde » font leurs calculs, leurs compromis et compromissions, le peuple se meurt. La misère frappe, les étudiants internes de la seule et unique université publique du pays n'ont plus droit au petit déjeuner, les élèves internes des écoles secondaires sont affamés, les subventions de l'Etat n'étant plus versées. Les hôpitaux déjà en piteux état avant la crise, manquent de tout. Les populations victimes des catastrophes naturelles ne peuvent plus être secourues.
Tous les moyens financiers sont mobilisés pour la milice imbonerakure, la police et l'armée. L'heure est à la recherche des moyens sophistiqués pour mettre à l'écoute tout le monde et partout, à l'achat de toute sorte d'armes. Bref, tous les fonds sont pour la sécurité du régime. Le reste de moyens servent à sillonner les campagnes pour distiller le venin de la haine ethnique dans les populations rurales. Des proches du pouvoir se félicitaient récemment en privé du succès de cette campagne destinée à diviser la population sur des bases ethniques.
Mais il est trop tôt de crier victoire ; les femmes et hommes politiques, et de la société civile ne semblent pas être prêts d'abandonner la lutte. Le CNARED4, voué aux gémonies par le régime de Nkurunziza semble incarner actuellement l'espoir de la majorité de la population burundaise. Trois à quatre organisations armées se sont déjà fait connaître dans les médias sans que l'on sache leur poids réel sur le terrain. Récemment, même le Ministre de la Sécurité Publique a reconnu devant les députés de Nkurunziza qu'il existe des organisations politico-militaires. Il en avait dénombré trois. Et le peuple semble avoir engrangé la première victoire : la sauvegarde de l'unité entre les hutus et les tutsis malgré tous les moyens aussi nocifs que sordides que le pouvoir a déployé pour les diviser. Si cette unité est préservée, il ne fait aucun doute que le pouvoir oppressif et dictatorial a ses jours comptés.
- Seules la Belgique, la Hollande et l'Allemagne ont pris de véritables sanctions en suspendant leur aide au gouvernement burundais.
- Le pays a une grande réserve de nickel inexploité, des permis d'exploration du pétrole ont déjà été explorée, et des rumeurs sur l'existence d'importants gisement d'or circulent dans les milieux du pouvoir en place.
- La Haine de L'Occident par J. Ziegler, p.30
- Le CNARED est une plate-forme politique qui regroupe des partis politiques, organisations de la société civile et des ex hautes personnalités burundaises qui s'opposent au 3ème mandat de Nkurunziza.