vendredi, 01 janvier 2016 18:09 Écrit par 

Burundi : 2015 l’année du refus et de la dignité.

L'année 2015 marquera indéniablement et durablement l'histoire du Burundi. De nombreux observateurs avaient prédit que ce serait une année difficile. Les élections générales étaient un sujet de préoccupation avec une candidature déjà annoncée pour le 3ème mandat présidentiel de Nkurunziza. Mais d'aucuns pensaient qu'après quelques remous, tout devrait rentrer dans l'ordre comme partout ailleurs en Afrique. N'est-ce pas que dans certains milieux diplomatiques l'on affirmait que Nkurunziza « maîtrisait » la question de sécurité ?

La prépondérance des intérêts d'une clique et la haute trahison.

Quand le 30 et 31 octobre 2014 le peuple Burkinabe a chassé Blaise Comparé du palais présidentiel, les bouffons et les thuriféraires de la cour de Nkurunziza se sont empressés de clamer que le Burundi n'était pas le Burkina-Faso. Pourtant, tous les signaux étaient au rouge, les burundais tenaient au prescrit des accords d'Arusha et de la constitution. Une candidature de Nkurunziza au 3ème mandat était inacceptable, pour les populations burundaises, insoutenable pour les partenaires internationaux. Et ses services de renseignements (SNR) dirigés alors par le Général Niyombare avaient conclu « une note de renseignement » du 13 février 2015 en ces termes :

« Hormis les spéculations politiciennes au sein du Cndd-Fdd pour protéger les intérêts de certains individus ; pour l'honneur du Président Nkurunziza et pour son bel avenir ; ..., pour préserver la paix et la stabilité...

Le SNR est conscient que son Excellence le Président Nkurunziza est en train d'exécuter son deuxième mandat comme Président de la République du Burundi. Tenant compte de cela, le SNR conseille que :

Le Président Nkurunziza et le Cndd-Fdd choisissent un nouveau candidat de poigne capable de conduire le pays, la population et le Cndd-Fdd vers un avenir radieux... »

Mais Nkurunziza passera outre, et se fera désigner candidat du Cndd-Fdd, le 25 avril 2015. Cette candidature fut une trahison de son serment et du peuple burundais, afin de protéger des intérêts d'une clique au pouvoir. Il venait de violer la Constitution et l'Accord de paix d'Arusha qui excluent un troisième mandat pour tout président.

Le « non » au 3ème mandat et la bravoure du peuple burundais.

Depuis l'avènement de Nkurunziza au pouvoir en 2005, les faucons du Cndd-Fdd n'ont jamais caché le désir de s'accrocher au pouvoir par tous les moyens. En privé, ils disaient sans détour et avec un brin d'humour, que le Cndd-Fdd resterait au pouvoir jusqu'au retour de Jésus-Christ !! Nkurunziza et sa clique avaient savamment préparé leur forfaiture. Côté répression, ils ont créé une milice imbonerakure camouflée en la jeunesse du parti. Leur nombre était déjà estimé à 30 000 membres en 20061 selon Mme Alice Nzomukunda ancienne 2ème Vice-présidente militante du même parti à l'époque. Nkurunziza pouvait aussi compter sur une certaine frange de la police. Pour la couverture légale, la corruption et les promotions de tout genre allaient avoir raison de la Commission Electorale Nationale Indépendante(CENI), de la Cour Constitutionnelle et de certains juges.

Mais Nkurunziza avait sous estimé le degré de l'exaspération de la jeunesse. Pendant ses dix ans de règne, la concussion, la gabegie, la corruption et les malversations économiques ont plongé la grande majorité de la population dans la misère et le désespoir. Une petite minorité de nouveaux riches arrogants se prélassaient pendant ce temps sur des matelas de liasses et roulaient les carrosses.

Cette jeunesse désespérée, mais éduquée, avec un certain niveau de conscience politique, était déterminée à barrer la route à un 3ème mandat de Nkurunziza aussi illégal qu'illégitime. Elle a envahi les rues de la capitale dès le lendemain de l'annonce de la candidature de Nkurunziza. Ces manifestations pacifiques furent réprimées avec violence : des balles réelles furent tirées, entraînant de nombreux morts, des arrestations suivies de tortures ainsi que des emprisonnements furent massifs. Mais les manifestations se poursuivirent, et la répression s'amplifia faisant de plus en plus de victimes. Ainsi commencèrent des actes de résistance armée, d'abord dans les quartiers de la capitale, puis dans les zones rurales.

La répression n'épargna pas les forces de sécurité. Les militaires et les policiers soupçonnés de ne pas soutenir le 3ème mandat ont été arrêtés, humiliés, torturés ou tués. D'autres ont fini par prendre la clé des champs avec armes et bagages.

La dignité du peuple burundais et le « non » à la division ethnique.

Nkurunziza qui a prêté serment sur la « Charte de l'Unité Nationale » n'a pas hésité d'essayer de manipuler l'appartenance ethnique pour diviser le peuple. Des discours haineux tendant à faire croire que seuls les ressortissants de la communauté Tutsi étaient opposés à son 3ème mandat ont été distillés par ses fidèles immédiats. Se faisant passer pour le défenseur de la communauté Hutu, des appels à peine voilés à la solidarité ethnique ont été lancés. Mais le peuple a retenu de l'histoire récente du Burundi, que le pouvoir n'a pas d'ethnie. Il n'y a pas de pouvoir Hutu, il n'y a pas de pouvoir Tutsi. Il y a le pouvoir qui cherche le bien de l'ensemble de la population et le pouvoir qui protège une clique de criminels et d'exploiteurs du peuple. Ce dernier type de pouvoir excelle dans la manipulation des communautés ethniques pour diviser la population afin de mieux l'assujettir. La réponse du peuple fut donc NON à cette volonté de divide et impera.

Cela se concrétisa non seulement sur le terrain des manifestations, mais aussi au niveau de l'organisation avec la naissance du CNARED-GIRITEKA, forum rassemblant les partis d'opposition dans leur diversité, les organisations de la société civile, trois des quatre anciens présidents de la république, et d'autres hauts dignitaires du pays.

La persévérance dans le crime de Nkurunziza et sa clique.

Le peuple burundais a reçu dans sa lutte, le soutien de la plupart des partenaires du pays. Aussi, la Communauté Est-africaine(EAC), l'Union Africaine(UA), l'Union Européenne, les Etats-Unis ont désavoué le pouvoir putschiste de Nkurunziza. Certains pays comme l'Allemagne, la France, la Hollande, la Belgique ont suspendu certains programmes de coopération. Rien n'y fit, le régime resta sourd à tout conseil ou insensible à toute pression. Chaque jour qui passe la répression se fait de plus en plus sanglante et barbare.

Aussi, quand des attaques simultanées ont eu lieu dans la nuit du 11 décembre sur quatre camps militaires (dont trois à Bujumbura), où les assaillants auraient récupéré de nombreuses armes avant de se replier, le pouvoir s'est vengé sur des civils innocents. Humiliés, les miliciens et les policiers fidèles du régime, comme des fauves blessés ont, dès l'aube investi les quartiers dits contestataires. Et ils n'ont pas fait dans le détail; des portes ont été défoncées, des jeunes femmes violées, des jeunes arrêtés et exécutés, d'autres emprisonnés dans le secret et dans l'illégalité totale. Le lendemain, des corps sans vie, certains ligotés les bras dans le dos jonchaient les rues de Bujumbura. La plupart, avaient été tués par une balle dans la tête d'après Amnesty International2. Ils auraient été enterrés dans des fausses communes par les miliciens imbonerakure.

Les prisons du pays sont surpeuplées, et le nombre de réfugiés ne cesse de croître. Ils seraient près de trois cent mille (300 000) burundais en exil dans différents pays de la Région des Grands Lacs, surtout en Tanzanie et au Rwanda.

Un régime avec le dos au mur

Face à un régime qui semble prêt à tout, y compris les pires massacres pour défendre les intérêts d'une oligarchie, l'UA a décidé de déployer 5 000 hommes pour protéger les populations. L'organisation africaine et les Nations Unies exigeaient des négociations entre les différentes parties en conflit depuis plusieurs mois. Après avoir tergiversé, louvoyé et fait dans la diversion, le régime a dû se résoudre à s'assoir autour de la même table que le CNARED sa bête noire, le 28 décembre sous l'égide du président Yoweli Museveni de l'Ouganda. Une cérémonie solennelle d'ouverture de négociations a eu lieu à Entebbe. Les véritables négociations devraient reprendre le 06 janvier 2016 à Arusha en Tanzanie. Mais Nkurunziza et les siens vitupèrent contre la médiation et déclarent qu'ils ne se rendront pas à Arusha. Mais face à la détermination de l'opposition, les caisses de l'Etat étant vides suite au gel des aides financières, et face à la pression de l'UA, de l'UE et des NU, la clique de Bujumbura a très peu de marge de manœuvre. Les négociations s'avèrent être le moindre mal pour une chute amortie de Nkurunziza et sa clique. Mais il est fondamental que les graves crimes conduisent certains devant la justice nationale ou internationale. Cela est une exigence pour la mémoire des victimes et un acte pédagogique pour tous les dirigeants qui, une fois au pouvoir, se comportent comme un loup dans une bergerie.

  1.  Conférence de presse de Mme Alice Nzomukunda et Mathias Basabose à Bruxelles, le 26 octobre 2006
  2.  Burundi. Des enquêtes doivent être menées sur les exécutions extrajudiciaires et les homicides systématiques

Amnesty International, 22 décembre 2015.

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