Jetons un bref regard sur les irrégularités qui ont émaillé les processus électoraux de 2005, 2010 et 2015 pour réfuter toutes les affirmations de Nkuruniza. A maintes reprises, le Président Pierre Nkurunziza ne cesse de répéter et clamer haut et fort que : « Amatora azoba meza cane. Amatora azoba meza caaane. Ukinda ugaramye, ukinda ugaramye, amatora azoba meza cane. Imana yo mw'ijuru niyo cabona », qui se traduit par « Le scrutin sera des plus corrects. Les élections seront très très correctes. Quelles que soient les agitations, quelles que soient les agitations. Les élections seront on ne peut plus correctes. Le Dieu du ciel sera seul témoin." Les élections de 2005 ont eu lieu après une guerre civile qui avait duré 12 ans. Cette guerre était consécutive à l'assassinat de Ndadaye Melchior, premier président démocratiquement élu depuis que le Burundi existe comme une nation. La campagne pour les élections de 2005 a été marquée par la terreur des ex combattants du CNDD FDD. Ils disaient à la population que si le parti CNDD FDD n'est pas élu, la guerre qui venait de s'arrêter allait recommencer. La population a voté par peur pour ne pas retourner dans la guerre, et c'est dans ces circonstances que le parti CNDD FDD a gagné les élections, et Nkurunziza est devenu le Président de la République. Ainsi le 6 décembre 2008, à l'occasion d'une conférence publique à l'intention des jeunes rassemblés dans l'association IJINA, le conférencier et député Leonard Nyangoma déclarait sans ambages que « Les élections communales de juin 2005 n'ont été ni libres ni honnêtes. Des élections libres sont caractérisées par l'absence de pression et d'intimidation. Elles sont marquées par l'entière liberté d'opinion, de réunion, d'expression et de manifestation. Le système judiciaire doit être neutre, indépendant, non corrompu et avoir la latitude décisionnelle et fonctionnelle en termes d'autonomie de moyens et d'action. Or les communales de juin 2005 ont été caractérisées par la terreur : elles se sont déroulées sur fond de guerre dans au moins deux provinces du pays, alors qu'il était possible de négocier la paix d'abord, avant de s'engager dans les élections.... Les élections communales de juin 2005 n'ont pas été honnêtes. Les irrégularités suivantes ont été constatées : l'article 5 de la constitution stipule que « tous les textes législatifs doivent avoir leur version originale en kirundi ». Or le code électoral était en français. L'impact de la non-publication du code électoral en kirundi est grand puisque la majorité des acteurs impliqués dans le déroulement des élections, notamment les mandataires politiques, ne connaissent que le kirundi....Les élections législatives de 2005 ont subi le contrecoup des irrégularités des communales. La non-annulation de celles-ci a découragé et a eu un effet de récidive et d'entraînement. Dans son rapport de décembre 20051, la CENI reconnaît implicitement le caractère non honnête des législatives. Elle écrit en effet : « Les partis CNDD et PARENA dont les scores obtenus, soit respectivement 4,14% et 1,72%, étaient proches du minimum exigés pour avoir droit à la cooptation (5%) pour le premier et pour avoir droit à siéger à l'Assemblée Nationale (2%), ont réclamé la vérification des résultats pour voir si l'écart en question ne pouvait pas être réduit en leur faveur... cette requête n'a été honorée que pour un délai court qui ne pouvait pas permettre un contrôle systématique. » En l'absence de procès-verbaux signés et conservés selon les dispositions légales, les vérifications étaient rendues très difficiles et aléatoires et ont profité aux fraudeurs. »
En 2007, le régime de Nkurunziza Pierre a continué et accéléré l'armement et l'entraînement massif des milices Imbonerakure, le mouvement armé actuel intégré au parti CNDD FDD. Selon Madame Alice Nzomukunda, ancienne deuxième vice-présidente, dans sa déclaration en 2006 à Bruxelles, le parti disposait déjà en 2005 de 30 000 miliciens dont un sur trois était en possession d'un fusil. En 2010 , l'action de la CENI combinée avec la terreur exercée par la milice Imbonerakure renforcée et aguerrie a permis à Nkurunziza et son parti de gagner largement les élections législatives et présidentielles bâclées après le retrait des principaux partis d'opposition. La CENI que Nkurunziza a reconduit après le holdup électoral fonctionne comme un véritable laboratoire de fraudes électorales.
Le cycle d'élections de 2010 fut entaché de fraudes massives et de très nombreuses et graves irrégularités. Ce cycle électoral comprenait cinq consultations électorales : les communales, les présidentielles, les sénatoriales, élections des députés et les locales.
En date du 24 mai, les élections communales furent organisées par la même CENI de 2015. Le parti au pouvoir et la CENI avaient planifié un holdup électoral qui a abouti à la négation de la volonté populaire. Des urnes furent inter-changées d'autres volatilisées, des chiffres manipulés à volonté sans que les observateurs nationaux et internationaux puissent peser sur la CENI et le parti au pouvoir, le CNDD- FDD. Les pourcentages attribués au parti au pouvoir passèrent tantôt à 93%, puis 91% et enfin à 63%.Le reste étant attribué à volonté aux partis valets du parti au pouvoir. Même les procès-verbaux n'ont pas été remis aux mandataires des partis politiques de l'opposition.
Les résultats proclamés étaient préparés d'avance, les urnes et leur contenu n'ont servi à rien. Ce fut le début d'une nouvelle crise. Douze principaux partis de l'opposition en campagne, se retirèrent du reste de la compétition et créèrent l'ADC-IKIBIRI (Alliance pour le Changement Démocratique). Quand au parti au pouvoir, il continua seul la campagne législative et présidentielle avec ses partis satellites.
Ne pas boycotter le processus électoral après le rejet des élections du 24 mai aurait correspondu à la légitimation des institutions issues des mascarades électorales. Il ne servait à rien d'accompagner un processus biaisé, car le CNDD FDD dans ses techniques de fraudes tenait absolument à obtenir un score de plus de 2/3 dans les institutions, la présence insignifiante et impuissante de quelques membres de l'opposition n'allait en aucun cas empêcher les parlementaires du CNDD FDD de voter des lois scélérates et taillées sur mesure, et au pouvoir de continuer le pillage systématique des caisses de l'Etat. Au cours du mandat de 2005, l'opposition avait obtenu un score proche du minimum de blocage mais n'a pas réussi à freiner la gabegie et la corruption qui gangrènent le pouvoir CNDD FDD. L'UPRONA qui a par opportunisme accompagné le CNDD-FDD n'a rien sauvé, il a été éjecté du gouvernement. Il est plus commode de militer en dehors des institutions médiocres mises en place dans des conditions inacceptables, on ne peut vouloir une chose et son contraire.
Après le holdup électoral de 2010, la seule principale activité du parti CNDD FDD fut consacrée à la distribution massive des armes à ses milices Imbonerakure ainsi que la division des partis politiques d'opposition en ailes antagonistes dites Nyakuri , ainsi, le FNL, l'UPD et l'UPRONA furent divisés chacun en deux branches dont une sert les intérêts du parti au pouvoir. Sous la pression de quelques généraux et militants du CNDD FDD, Nkurunziza accepta la réunification de l'UPD à condition qu'il arrête sa participation dans l'ADC-IKIBIRI et s'éloigne de Radjabu Hussein et de Manassé.
Zedi Feruzi alors Président de l'aile proche du pouvoir fut désigné président de l'UPD réunifié, tandis que Chauvineau Mugwengezo resté Président de l'UPD originel devenait Président d'honneur. Malheureusement, pour sa participation active dans le mouvement-Arusha de contestation du troisième mandat de Nkurunziza, Zedi Feruzi fut sauvagement assassiné à son domicile.
Au début de l'année 2015, les militants du parti CNDD FDD, les « frondeurs » qui ont ouvertement refusé de soutenir la candidature de Nkurunziza au troisième mandat des prochaines présidentielles ont été systématiquement chassés de ce parti et de leurs fonctions. Certains sont actuellement en cachette, les autres se sont réfugiés à l'étranger.
Le 25 avril 2015, le congrès du parti CNDD FDD a désigné Nkurunziza Pierre pour le représenter aux élections présidentielles, un coup d'État constitutionnel venait d'être avalisé par le parti au pouvoir. Dès le 26 avril 2015, la ville de Bujumbura était pleine de manifestants pour refuser sa candidature au troisième mandat. Ces manifestations se poursuivent encore à Bujumbura comme dans certaines localités de l'intérieur du pays. Plus de quarante personnes sont déjà mortes assassinées par les policiers et les milices Imbonerakure faisant usage des balles réelles, et plus de huit cent personnes ont été arrêtées et incarcérées arbitrairement et subissent des tortures atroces.
En date du 13 mai 2015, alors que se tenait une conférence des chefs d'Etat des pays de la Communauté des pays de l'Afrique de l'Est à Dar Es Salam pour examiner la crise politique burundaise consécutive à cette question de troisième mandat de Pierre Nkurunziza, un contre-coup d'Etat est déclenché à Bujumbura par une partie des forces de défense et de sécurité proche du peuple. Toute la population de la capitale Bujumbura et de l'intérieur du pays après avoir appris cette bonne nouvelle est sortie dans les rues en liesse pour fêter le départ de Nkuruniza, mais ce moment de bonheur n'a duré que quelques heures, le contre-coup d'État a été déjoué le 14 mai par les militaires de la garde présidentielle. Une bataille et non pas la guerre venait ainsi d'être perdue. Depuis lors, Nkurunziza et ses acolytes font la chasse tout azimut à tous les militaires et policiers soupçonnés d'avoir trempé dans ce contre-coup d'État, certains parmi eux sont arrêtés et sommairement exécutés, d'autres sont jetés en prison après avoir subi de longues séances de torture dans les geôles du service national du renseignement dirigé par le sinistre lieutenant général Adolphe Nshimirimana. Plusieurs militaires sont en train de fuir le pays et la situation dans le pays devient de plus en plus incontrôlable.
Le 1er juin 2015, deux braves femmes membres de la CENI ont déposé leur lettre de démission. Cette démission a eu pour conséquence grave le blocage des activités de la CENI, car conformément à l'article 90 de la constitution, la CENI comprend cinq personnalités indépendantes, dès lors qu'elle vient de perdre deux membres, elle a cessé d'exister. En dehors de la CENI, aucun autre organe de l'État n'est habileté d'organiser les élections, c'est la raison pour laquelle, les partis d'opposition viennent de refuser de participer à une réunion convoquée par les résidus de la CENI. Ces résidus comprennent trois membres qui se sont arrogé le droit de proposer un nouveau calendrier électoral. Selon un décret présidentiel publié ce mercredi 9 juin sur le site de la présidence burundaise, les élections législatives et communales au Burundi, se dérouleront le 29 juin et la présidentielle le 15 juillet. Des questions se posent : qui va organiser ces élections? Les conditions d'une élection libre et transparentes sont-elles réunies comme l'exigent le peuple burundais et le sommet des chefs d'État de l'EAC du 31 mai 2015. Comme il n'y a plus de radios pour chercher et diffuser des informations vérifiées, la radio trottoir, des rumeurs dominent le terrain des informations, des rumeurs qui se recoupent disent que la CENI dispose d'un rapport des résultats fictifs des élections de 2015, une récidive de 2010 améliorée circulent dans la capitale de Bujumbura. Selon ces informations le parti CNDD FDD viendrait en tête, suivi par le parti UPRONA de Concilie Nibigira, ensuite la coalition COPA, puis le parti FNL de Jacques Bigirimana, ensuite AMIZERO Y'ABARUNDI, ensuite la coalition ADC¬Ikibiri,...
Pour tous les burundais qui croient qu'il y aura en 2015 des élections libres, transparentes et apaisées à l'époque de Pierre Nkurunziza, qu'ils déchantent. Les élections ne seront qu'un montage car la CENI a déjà attribué les résultats aux partis politiques et aux coalitions selon la volonté de Nkurunziza.
Par les manifestations contre le troisième mandat de Nkurunziza qui s'observent dans tout le pays, Nkurunziza est un fou qui cherche à diriger la population qui n'a pas besoin de lui. Vu que sa CENI a déjà élaboré le rapport des élections de 2015 au profit de son parti CNDD FDD et ses partis satellites alors que tout le processus électoral est biaisé, Nkurunziza Pierre est un très grand menteur que le Burundi n'avait pas encore connu depuis son existence, un escroc de premier ordre.
Le peuple burundais semble décidé de maintenir le cap pour contraindre Nkurunziza et son oligarchie de venir à la table des pourparlers avec l'opposition. Beaucoup de personnalités crédibles pour leur expérience et leur sagesse dont le président du CNDD, Léonard Nyangoma, la Présidente de l'Union africaine, Madame Nkosazana Dlamini Zuma, Malinowski, envoyé spécial du président OBAMA à Bujumbura, Monsieur Salim Ahmed Salim ancien secrétaire général de l'OUA, Kofi-Annan, ancien Secrétaire général de l'ONU ont suffisamment montré l'impossibilité d'aller à des élections libres et transparentes actuellement au Burundi pour quatre raisons majeures : la première raison est la candidature illégale de Nkurunziza non négociable ; la deuxième est l'insécurité provoquée par les milices Imbonerakure, qui poussent des centaines de milliers de Burundais à fuir vers les pays limitrophes ; la troisième est l'absence d'une CENI consensuelle, la quatrième est la Cour Constitutionnelle, une Cour taillée à l'image de Nkurunziza, ultra-corrompue; la cinquième est l'exclusion structurelle de l'opposition et la fermeture de l'espace politique.
Le président du CNDD, Léonard Nyangoma a depuis longtemps appelé les protagonistes politiques burundais à une table des négociations. L'ordre du jour porterait sur trois questions essentielles : Les mesures urgentes de nature à apaiser le climat politique, les institutions de transition ou pendant la transition ; leur mode de désignation et leur durée, les missions de chaque institution de transition.
Il est grand temps de se rendre compte qu'il n'existe aucune autre alternative pacifique pour sortir de la grave crise dans laquelle Nkurunziza et sa clique ont plongé le pays.
Notes:
- Rapport sur le processus électoral du Burundi, 2004-2005, présenté par la CENI Bujumbura, décembre 2005

