La confirmation par la plus haute juridiction de la République.
Les révélations du désormais ex Vice-Président de la Cour constitutionnelle n'ont surpris que ceux qui se faisaient encore des illusions sur le caractère démocratique du régime Nkurunziza.
Monsieur Sylvère Nimpagaritse révèle en effet à RFI le 04 mai dernier : « Le soir du 30 (Avril), on a déjà commencé à subir d'énormes pressions et même des menaces de mort, mais on a eu le courage de revenir le lendemain. Le 1er on a continué à délibérer. Ceux qui avaient soutenu que le renouvellement du 3e mandat violait la Constitution et les accords d'Arusha ont eu peur parce qu'ils ont subi des pressions, ils me l'ont dit. Et ils m'ont confié que si jamais on ne se ravisait pas, on aura humilié le président et que l'on risquait gros. On risque nos vies.... ». Le brave juge a préféré (et a pu) fuir le pays, plutôt que d'apposer sa signature sur une décision qui pourrait avoir des conséquences incalculables pour le Burundi, voire pour la Région des Grands Lacs.
Les six autres juges de la Cour Constitutionnelle ont rendu « leur arrêt », le canon de fusil sur la tempe. De source digne de foi, nous apprenons que le Président de ladite Cour aurait reçu une très grosse somme d'argent de la part du régime. La somme serait tellement importante qu'il n'a pas osé la déposer à la banque, de peur d'attirer des soupçons.
Le régime prend en otage des citoyens innocents.
Depuis le début des manifestations le 16 avril, une quinzaine de personnes auraient été tuées, essentiellement par les policiers épaulés par les agents du service national de renseignement. Plusieurs centaines d'autres sont prisonniers. Ils sont torturés, et vivent dans des conditions inhumaines. Une épidémie de dysenterie bacillaire se serait même déclenchée au principal centre de détention. Ces manifestants n'ont fait qu'exercer leur droit d'exprimer leur désapprobation face à la candidature illégale et illégitime de Nkurunziza au 3ème mandat.
Mais les déclarations du 1er Vice Président de la République que rapporte l'AFP du 05 mai, révèlent que ces citoyens sont des otages du régime. D'après Prosper Bazombanza, les prisonniers pourraient être libérés si les manifestations cessent. Un chantage d'Etat, qui exige la renonciation à un droit constitutionnel pour jouir de sa liberté !
La mise en joue des juges de la Cour Constitutionnelle pour une délibération et une décision dans le sens voulu, la corruption du président de ladite Cour, la prise en otage des centaines de citoyens, voilà les derniers faits d'un véritable régime gangster.
Un peuple en danger.
Un tel régime est prêt à tout pour les intérêts de quelques individus qui se servent de l'Etat pour leurs propres et seuls intérêts. Aussi les menaces fusent : "dès aujourd'hui, nous ne verrons plus des manifestants, mais des malfaiteurs, des terroristes et même des ennemis du pays" » entonnait le ministre de la Sécurité Publique, d'après une dépêche de l'AFP du 02 mai.
Et le 1er Vice Président d'enchaîner que les manifestations doivent cesser « de gré ou de force ». Le régime de Nkurunziza et son club n'ont jamais été enclins au dialogue. Ils ont, depuis leur prise de pouvoir, usé et abusé de la force. Et les manifestants actuels sont véritablement des héros ; ils font face à une violence inouïe : matraques, canon à eau, grenades lacrymogènes, grenades assourdissantes, grenades offensives, tirs à balles réelles, sans parler de la torture des prisonniers.
Les menaces proférées ci-haut ne sont donc pas à prendre à la légère, les gangsters ne reculent devant rien quand ils se sentent acculés. Mais le peuple semble décidé d'aller jusqu'au plus fort des sacrifices, pour ne pas devenir les esclaves d'un groupe d'oligarques sans foi ni loi.
La paix régionale menacée.
L'afflux massif des réfugiés au Rwanda surpeuplé et dans la Région Est du Congo en proie à une insécurité chronique depuis des décennies, risque de briser l'équilibre instable qui s'installait peu à peu dans la Région des Grands Lacs. La communauté internationale doit éviter la régionalisation du conflit, en prenant dès maintenant, des sanctions ciblées et rigoureuses contre Nkurunziza et son club. Les Burundais (Hutu, Tutsi et Twa) unis ne manqueront pas de terrasser ce régime d'un autre âge que le CNDD-FDD semble vouloir leur imposer. Le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a exhorté le président ougandais, Yoweri Museveni, pour qu'il aide à éviter la détérioration de la situation et à rétablir la paix au Burundi. De son côté, le Rwanda a exprimé son inquiétude au sujet de la crise qui sévit chez son voisin. «Bien que nous respections la souveraineté du Burundi dans le traitement des questions internes, le Rwanda considère la sécurité de la population innocente comme une responsabilité régionale et internationale», a déclaré, le 4 mai 2015, Louise Mushikiwabo, chef de la diplomatie rwandaise. Mais, comment les pays de la sous-région, dont certains ne sont pas eux-mêmes des modèles de démocratie, et dont quelques diplomates ont exprimé leur soutien au 3ème mandat de Nkurunziza, vont-ils aider le Burundi ? Les manifestations du peuple burundais ne sont-elles pas, pour leurs dirigeants, un augure alarmant, un mauvais précédent? S'il en est ainsi, leur intervention ira, au mieux, dans le sens de sauver la face à leur collègue, au pire à soutenir son entêtement par des subterfuges diplomatiques. Dans tous les cas, une intervention militaire des pays voisins n'est ni souhaitable, ni demandée par le peuple burundais. Et ses conséquences seraient incalculables pour la sous-région.
Quid des élections ?
Dans les conditions actuelles, aucune élection libre et démocratique ne peut se tenir au Burundi. Ce sera le canon de fusil à la tempe que les électeurs iront aux urnes, ce sera le canon de fusil à la tempe que la CENI proclamera les résultats. La Cour Constitutionnelle qui a jugé la candidature au 3ème mandat recevable, confirmera sans aucun doute les résultats. Ces élections ne seront qu'une fuite en avant, de l'huile sur le feu, et malheureusement cela risquerait de durer longtemps ! Il est heureux de constater que ce que le président du CNDD, Léonard Nyangoma, avançait depuis plusieurs semaines sur l'impossibilité des élections, soit devenu une évidence pour l'Union africaine. En effet, dans un entretien à la télévision chinoise CCTV diffusé jeudi et cité par AFP, elle a déclaré que « L'environnement n'est pas propice à une élection. On ne peut pas aller dans un pays, rencontrer des réfugiés qui fuient, et dire "Nous allons observer les élections" ». Même certains candidats, qui avaient d'abord cru possible de tirer leur épingle du jeu dans les conditions ficelées par le pouvoir Nkurunziza, commencent à se raviser.
Comme l'ont déjà demandé les Etats Unis, l'Union Africaine, et dernièrement la conférence des Evêques du Burundi, un dialogue devrait être engagé afin de créer des conditions pour l'organisation des élections libres, inclusives et transparentes.
Mais sans Nkurunziza cela s'entend.