La déstabilisation des chanteurs a commencé avec le groupe Lion Story. Bon nombre de leurs concerts ont été interrompus. Ils ont été persécutés, ont vu leurs collègues se faire emprisonner... Ces intimidations n'ont, cependant, pas arrêtés ces artistes engagés. Après la sortie de leur album Revolution time en 2013, ils ont décidé de faire un break que certains interprètent comme un abandon.
Roméo Sikubwabo, un des membres du groupe Lion Story, dément cette interprétation : «On n'a jamais arrêté de chanter et on ne le fera jamais ! Ceux qui le pensent, se trompent lourdement, car on continue à faire notre musique. » Et d'ajouter : « Qu'ils s'attendent à des chansons bien plus engagées que les précédentes. S'il y a des gens qui se sentent visés, ce n'est pas aux artistes de changer le message, mais c'est plutôt à eux de changer de comportement ! »
Ce même chanteur interpelle les politiciens de s'inspirer de leurs œuvres pour comprendre les besoins de la population. « La musique ou l'art en général, c'est le miroir de la société. Les politiciens devraient s'en inspirer, au lieu de s'attaquer aux artistes qui ne font que dire tout haut ce que la majorité pense tout bas. »
N John Melodica ne fait pas exception
Le gagnant de la 4ème édition de l'Isanganiro Award, une compétition musicale, fait aussi l'objet d'intimidation. Pour sa chanson Ndasavye ijambo, un monument a été érigé en son honneur à Karuzi, sa province natale. Cela lui vaudra des jalousies et des sollicitations qu'il ne peut satisfaire. Vers la fin de l'année 2014, ce monument est détruit, puis commencent des intimidations qui le pousseront à fuir.
Christian Nsavye, ayant suivi le dossier N John, dit clairement que le chanteur n'avait d'autre choix que de fuir : « Il se voyait harcelé par la documentation jour et nuit. Sa vie était en danger. Il fallait qu'il quitte le pays. »
Mkombozi, le dernier et non le moindre
De son vrai nom Thomas Nzeyimana, Mkombozi voit sa chanson Nzeyimana se faire censurer. Et il n'y a pas que sur scène, même dans certains médias. « J'ai donné la chanson à un ami journaliste à la radio Rema FM, mais elle n'est jamais passée. » Il s'indigne, dénonce et condamne les actes de la société civile, du pouvoir, des Eglises, de l'opposition, etc. Difficile de s'imaginer qui ne lui en voudrait pas en ce moment.
Pourtant, le chanteur Mkombozi, lui, confie qu'il ne visait personne en particulier : « Si une chose se passe, il doit toujours y avoir une personne qui connaît la vérité. Je voulais interpeller les gens à avouer leurs erreurs, pour ne pas qu'on n'accuse les autres à tort. » Et d'ajouter, avec regret : « J'ai dû simplement toucher les dossiers sensibles ! »
Depuis la sortie de cette chanson, ce musicien a été menacé de mort plus d'une fois. Il a même été empêché de chanter ce tube, lors d'un concert à Muyinga. Une autorité locale lui avait promis de lui en faire voir de toutes les couleurs, s'il s'amusait à interpréter Nzeyimana sur scène. Mieux encore, le chanteur Ellyz Boy, son ami et colocataire, a été pris pour lui et enlevé. Mkombozi a alors opté pour la clandestinité, afin d'être en « sécurité », pour un temps encore, au moins.
Le ministre de la Culture, Adolphe Rukenkanya, est revenu sur cette question des artistes « engagés » mais « intimidés », lors de sa présentation du bilan de 2014 :« Il est évident que chacun a la liberté de s'exprimer. Mais comme vous le savez, il y a toujours une limite à cette liberté et chacun est responsable des idées qu'il exprime. » Et de prévenir ces chanteurs : «Je dirai donc à ces jeunes artistes de tourner sept fois la langue avant de parler. De réfléchir par deux fois avant d'écrire n'importe quoi. Attention ! Ce qui convient à la société française ne convient pas nécessairement à la société burundaise. »
Source:http://www.iwacu-burundi.org/je-suis-musicien-burundais/