vendredi, 04 juillet 2014 14:12 Écrit par  Nzokira Edouard

Burundi : Une situation abracadabrante dans la coordination des aides extérieures.

La répartition des aides connaît des disparités qui sont perceptibles non seulement entre régions et provinces, mais aussi entre différents secteurs. Cela est arrivé alors que de 2010 à 2013, le volume de l'appui budgétaire et à la balance des paiements n'a cessé de diminuer, passant de 107,4 millions USD en 2010 à 60 millions USD en 2013, soit une diminution estimée à 77% sur toute la période. Cela sort d'un rapport lié aux flux d'aides publiques au Développement édition 2012-2013 présenté par Monsieur Pamphile Muderega, Secrétaire Permanent du Comité National de Coordination des Aides, CNCA en sigle, lors de la réunion du Forum Stratégique du Groupe de Coordination des Partenaires. C'était vendredi le 27 juin 2014 à l'hôtel Méridien Source du Nil de Bujumbura

1. Au niveau des interventions.

La répartition des aides à travers les régions montre que la contribution des projets et programmes à l'échelle nationale est estimée en moyenne par région à 140 millions USD. Pour le décaissement de l'aide par région en 2012-2013, la région Ouest vient en première position avec un montant global estimée à 321 millions, soit 175 millions USD pour les contributions à l'échelle nationale et 146 millions USD provenant des projets exclusivement exécutés dans la région Ouest. La région Ouest est secondée par le Nord qui totalise 116 millions de provenance des projets spécifiques, soit globalement un montant de 256 millions USD. Vient ensuite la région Centre-Est avec un montant de 115 millions USD pour les projets spécifiques, soit 255 millions USD et en fin la région Sud avec 56 millions USD pour les projets spécifiques, soit 196 millions USD.

Dans l'ensemble, les régions en tête ont bien avant bénéficié des projets de grande envergure telles que les infrastructures routières, les projets dans le développement rural, les projets à haute intensité de main d'œuvre en l'occurrence le pavage des routes, les projets de développement du monde rural et le rétablissement de la sécurité alimentaire ainsi que le relèvement communautaire.

Le Sud a été caractérisé par l'absence des projets d'infrastructures routières et de haute intensité de main d'œuvre ainsi que la rareté des projets de développement rural et de relèvement communautaire. Ce sont surtout de petits projets exécutés par les ONG qui sont dominants.

Cette disparité de la répartition des aides risque de compromettre l'harmonie dans le développement des différentes régions du pays.

2. Au niveau des provinces.

Pendant les deux exercices, les trois premières places sont occupées par une province de l'Ouest (Bubanza avec 85 millions USD), une province du Centre-Est (Gitega avec 82 millions USD) et une province du Nord (Ngozi avec 75 millions USD).

La part revenant à chaque province dans la répartition des ressources des projets à couverture nationale est estimée aux environs de 35 millions USD. Pour les projets spécifiques à chaque province, on remarque une grande disparité allant de 50 millions USD pour la province de Bubanza à 8 millions USD pour la province de Mwaro. Parmi les provinces de l'Ouest, Bujumbura rural occupe la 3eme place avec 27 millions USD pour les projets spécifiques, soit la 9eme place au niveau national.

A ce niveau, une question se pose. Y-a-t-il une raison qui serait à la base de cette répartition inéquitable entre les provinces?

La province de Kirundo vient en tète pour son indice de pauvreté le plus élevé (82%) et occupe la 7eme place sur le classement des provinces par importance du volume d'aide reçue. Sur la liste de classement par indice de pauvreté, Kirundo est suivi par Ruyigi qui égalise avec Kayanza un score de 76%. Les deux provinces occupent respectivement la 10eme et la 13eme place pour le classement sur base des volumes d'aide reçue.
On peut affirmer sans risque de se tromper que l'affectation des ressources par régions ou par provinces ne tient pas compte de l'indice de pauvreté. Cela peut donc être à la base du creusement continu des écarts entre le développement des différentes régions et provinces.

Au delà des écarts de développement entre provinces, il y a également lieu de se demander si au moins les affectations des ressources suivent une logique de répondre à une problématique de développement ou à un besoin d'urgence dans une zone donnée
.

3. Au niveau de certains secteurs.

3.1. Agriculture.

La province de Cibitoke vient en tête avec 14.5millions USD, soit au total 15.57 millions USD. Elle est talonnée par Gitega avec 10.9 millions USD pour les projets spécifiques, soit au total 11.97 millions USD. A l'arrière de ce peloton vient la province de Mwaro avec 2.7 millions USD et la province de Muyinga avec 3.3 millions USD, totalisant ainsi respectivement 3.77 millions USD et 4.37 millions USD. La mairie de Bujumbura n'a pas de vocation agricole et occupe la dernière place avec 2.0 millions USD totalisant ainsi 3.07 millions USD.

Le rapport précise qu'il n'y a aucune corrélation entre les affectations des ressources dans le secteur de l'agriculture et le niveau d'insécurité alimentaire à travers les provinces. C'est-à-dire que ce ne sont pas les provinces les plus nécessiteuses en termes d'investissements agricoles pour améliorer leur niveau de sécurité alimentaire qui sont les mieux servies. En témoigne la province de Karusi qui présente un taux de 68% d'enfants malnutris et un indice d'insécurité alimentaire des ménages le plus élevé de toutes les provinces (10.6%) et qui occupe la 14eme place sur le classement des provinces par le volume des aides injectées dans le secteur agricole. C'est le même cas pour d'autres provinces.

Cette disparité dans l'affectation des ressources qui n'est fondée sur aucune logique devrait donc interpeller les autorités burundaises pour penser autrement les approches d'affectation des ressources disponibles dans les secteurs de l'agriculture. Le ministère de l'agriculture doit jouer le rôle d'avant-garde pour proposer des critères de référence et discuter avec d'autres acteurs pour mieux orienter les interventions dans son secteur. Ce contexte met à l'épreuve même les dispositifs mis en place pour assurer la coordination et améliorer l'efficacité de l'aide. Un dialogue inclusif et participatif doit être entamé pour trouver un consensus sur les modalités des interventions et d'augmenter les synergies et les complémentarités entre elles afin de générer beaucoup plus d'impact positif sur les bénéficiaires.

3.2. Santé

La province de Karusi vient en tête avec un montant de 5.4 USD provenant des contributions des projets spécifiques à la province, propulsant ainsi le volume global de l'aide en faveur du secteur de la santé de ladite province à 13.0 millions USD. Elle est secondée par la province de Kirundo avec 3.9 millions USD pour les projets spécifiques, soit 11.6 millions USD pour le volume global de ladite province.

A la queue du peloton se trouve les provinces de Muramvya égalisant avec Mwaro et Cibitoke qui ont bénéficié, exceptées les contributions des projets et programmes à couvertures nationales, respectivement 0.6 millions USD et 0.2 millions USD pendant la même période. Ces dernières sont précédées par les provinces de Bujumbura dont les contributions additionnelles venant des projets spécifiques ne dépassent pas un montant de 1 million USD.

Selon le rapport, le constant est qu'il n'y a aucune corrélation entre les variables province et la prévalence du paludisme. La province de Cibitoke qui est la plus affectée par le paludisme se place à la 9eme place sur le classement des provinces par volume d'aide reçue. Par contre, la province de Karusi qui occupe la première place par le niveau d'aide reçue est parmi les provinces les moins touchées par le paludisme. Le niveau de prévalence du paludisme n'est pas vraisemblablement le critère d'affectation des ressources d'aides dans le secteur de la santé.

3.3. Education.

Dans l'ensemble, chaque province a capté environs 2.2 millions USD à part neuf provinces qui ont eu des financements additionnels en provenance des projets spécifiques.

A cette affectation presque équilibrée des ressources dans le secteur de l'éducation, on peut également se poser la question de savoir si les différentes provinces ont des besoins identiques, ou si celles-ci ont atteint les mêmes performances en termes de résultats comme le taux de scolarisation ou le ratio Filles/Garçons.

D'emblée, l'affectation des ressources d'aides dans le secteur de l'éducation n'est pas guidée par les performances atteintes au niveau de chaque province par rapport au taux de scolarisation ni par rapport au ratio Filles/Garçons. Ainsi, pour promouvoir l'équité entre les différentes provinces, le Ministère ayant en charge l'éducation doit définir les critères de base pour faciliter l'affectation des ressources dans le souci d'amener les provinces encore en arrière à récupérer les retards accumulés.

Certaines provinces comme Makamba et Bururi affichent un taux net de scolarisation supérieur à 100% à cause de nombreux enfants rapatriés qui ont intégré les écoles existantes. L'afflux des élèves rapatriés vient aggraver la question des capacités d'accueil existantes, d'où la nécessité de construire davantage des classes pour garder les standards en termes d'enfants par classe.

En outre, dans les provinces de Gitega et Karusi, le ratio Filles/Garçons est au-delà de 100%. Cela est lié à la pauvreté extrême des ménages qui par conséquent incapables de retenir leurs enfants à l'école. Ainsi, les jeunes garçons désertent les écoles et sont facilement attirés par les petits métiers dans les centres urbains. L'afflux d'aide dans ce secteur doit normalement prendre en compte ce genre de critères pour non seulement réduire le taux d'abandon scolaire, mais aussi pour influer sur le taux de réussite des enfants.

3.4. Eau et assainissement.

Le secteur de l'eau et de l'assainissement a bénéficié de décaissements d'aide estimés à 46.2 millions USD. L'apport des projets à couverture nationale est estimé à 41.4 millions USD, soit 2.4 millions par province.

Dans ce secteur, la disparité de l'affectation des ressources est aussi flagrante. En effet, la province de Gitega a bénéficié de 0.8 millions USD en provenance des projets spécifiques, pendant que les provinces de Bubanza, Cankuzo et Cibitoke n'ont bénéficié d'aucun apport additionnel au- delà des contributions des projets à couverture nationale.

On peut se demander également s'il y a une quelconque raison qui peut justifier la disparité d'affectation des ressources au niveau des provinces.

Certaines provinces ayant le faible taux de couverture en assainissement de base occupent la queue du peloton en termes de volume de décaissements de l'aide en faveur du secteur eau et assainissement. C'est le cas des provinces de Kayanza et Muramvya qui sont dans une situation similaire à celle de Rutana et Ruyigi, bénéficient relativement plus de financement.

Par contre, il y a lieu de dire que le niveau de décaissement dans le secteur de l'eau et de l'assainissement a été quelque peu influencé par l'ampleur de cas de diarrhée avec déshydratation par province en 2013, sous réserve d'une analyse empirique qui prouverait sa solidarité.

De manière générale, l'affectation des ressources d'aide dans le secteur de l'eau et de l'assainissement n'est pas guidée par des critères solides pour répondre aux vrais besoins des populations. Les ministères ayant en charge la santé, l'eau et l'assainissement doivent travailler de commun accord pour que leurs actions soient synchronisées pour renforcer leurs synergies et leur complémentarité afin de produire beaucoup plus d'impact dans le milieu d'intervention.

3.5. Assistance humanitaire.

Le décaissement de l'assistance humanitaire est estimé à 95,6 millions USD, dont 68.5 millions USD en faveur des projets à couverture nationale, soit 40 millions USD par province et 27,1 millions USD pour les projets qui été exécutés dans certaines provinces spécifiquement.

Les provinces ayant beaucoup bénéficié de l'assistance humanitaire sont surtout les provinces Cankuzo, Ruyigi, Bururi, Muyinga et Rutana. Dans leur ensemble à l'exception de Bururi, ces provinces ont une frontière avec la Tanzanie et ont toutes accueilli ces dernières années un nombre impressionnant de rapatriés venant de la Tanzanie.

Le niveau de décaissement de l'assistance humanitaire par province a été influencé par l'ampleur du nombre des rapatriés même si la province de Makamba qui en accueille le nombre le plus élevé (41.6%) arrive en 6eme position pendant que la province de Cankuzo qui occupe la première place sur le classement des provinces par le volume de décaissements totalise 3.5%. Les provinces de concentration des rapatriés sont les mieux servies en termes de décaissement de l'assistance humanitaire.

Toutefois, la corrélation entre le niveau de décaissement de l'assistance humanitaire et l'indice de pauvreté par province est relativement moins évidente. En effet, les provinces comme Kirundo, Kayanza, Ngozi qui enregistrent un indice de pauvreté supérieur à 75% se trouvent beaucoup moins avantagées pendant que les provinces de Bururi, Cankuzo, Bujumbura Rural et Gitega se retrouvent dans le camp des plus nanties en termes d'assistance humanitaire.

Il est maintenant évident que l'affectation de l'aide entre secteurs et par provinces ne suit pas des critères bien fixés pour non seulement se rassurer que l'aide que le Burundi reçoit est utilisée pour répondre aux réels besoins des populations, et que les modalités d'affectation contribuent à créer un équilibre harmonieux de développement en évitant les poches d'exclusion.

Cette initiative ne peut être de la seule responsabilité du gouvernement. Un dialogue franc, à travers le groupe de coordination des partenaires s'impose pour que tous les acteurs aient une même compréhension et adhèrent aux mêmes objectifs. Toutefois, le leadership du gouvernement reste de mise pour enclencher et orienter ce débat.

Le débat pour d'améliorer l'orientation et l'affectation des ressources d'aide ne doit pas également être mené de manière isolée. Il doit faire partie intégrante du paquet des sujets intéressant de façon générale la mise en œuvre des engagements internationaux en faveur de l'efficacité de l'aide des pays en situation de fragilité. La réussite de ce pari exige que les capacités institutionnelles des différents départements ministériels soient renfoncées pour accompagner ce processus. Le rôle du gouvernement est aussi important dans l'accréditation et l'affectation des ONG qui exécutent les projets sur le territoire national. Le gouvernement du Burundi, où, est-il en tout cela?

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