Sujet à l'ordre du jour de cette interview : l'évaluation du processus démocratique de 1993 à nos jours. Conscient de la délicatesse du sujet et de la violence que s'est faite la RTNB pour inviter quelqu'un de l'opposition, le responsable du CNDD met ses gants pour donner la chance à ses propos d'être diffusés. D'emblée, et méthodiquement, il traite le sujet sous deux angles : le haut et le bas de notre démocratie depuis l'année fatidique de 1993.
Au compte des hauts, François Bizimana, au micro du journaliste, note, le fait que le multipartisme reste une réalité malgré tous les problèmes qui jonchent le terrain, le fait que des élections sont organisées régulièrement même si elles n'ont pas été toujours honnêtes et transparentes, et enfin la liberté d'expression qui existe, même si elle est mise souvent mise à mal par des militants trop zélés.
Au compte des bas, le porte- parole du CNDD cite notamment des actes de tueries quasi-quotidiens, les vols et détournement des deniers publics, la partialité de la justice qui s'est dramatiquement soumise au dictat de l'exécutif, le non jugement des assassins de Melchior Ndadaye qui ont tenté de mettre fin à la démocratie etc..... Après l'interview l'homme politique regagne sa demeure, conscient d'avoir accompli son devoir citoyen et aussi somme toute content qu'enfin les médias publics aient ouvert les portes aux personnalités de l'opposition.
Content, c'est trop dire, car le journaliste lui fit savoir qu'il doute fort que de tels propos puissent être diffusés. Il lui dit qu'à la limite, l'on va l'obliger à diffuser la partie concernant les hauts, et pas celle sur les bas. C'est ce qui arriva. Le journaliste résista pourtant à parelle censure. Il fit comprendre que, conformément d'ailleurs à ce que lui avait dit Bizimana, il faut rester fidèle aux propos de son interviewé et non pas déformer ses propos. Rien n'y fit. Le compromis fut le black out que les autorités de la Radio imposèrent à l'information.
Le pouvoir doit savoir qu'un équitable accès aux médias publics relève du droit des opposants légaux. Rien ne sert à se crisper. Si le pouvoir se dit si populaire, très populaire, et l'on veut bien le croire, de quoi alors a-t-il peur? Les propos tenus par nos confrères de RFI de ce 2 juin 2014, évoquant la situation de ces derniers jours au Niger, sont assez évocateurs pour ce qui est du Burundi. Il s'agit d'un article signé Ibrahim Amadou qui reprend pour titre la phrase du célèbre chanteur de reggae, l'ivoirien Tiken Djah Fakoly résumant l'incertitude qui pèse sur le Niger.
Le parallélisme avec la situation au Burundi est effarant : « Mon pays va mal ». Et sans sombrer dans le désespoir, j'ai peur. Lorsqu'on est malade, on consulte un toubib. Mais quand c'est le toubib qui inocule les virus, l'espoir de guérison est trop mince. La responsabilité étatique exige du don de soi, de volonté à préserver et défendre l'intérêt de tous, même ceux qui ne sont pas d'accord avec la politique du gouvernement. Mais lorsqu'un régime voit en son opposition une rivale à combattre sans répit et sans aucune pitié ; lorsqu'un ministre de la République, de surcroît chargé de la sécurité de tous et de chacun, qualifie ceux qu'il est censé protéger d'« ennemis » ; lorsqu'un président de la République reste insensible aux périls qui planent sur la stabilité sociopolitique de son pays, préférant garder le silence comme si cela se passait sur une autre planète; ou pire, refusant même de voir la réalité des choses tentant de convaincre les médias internationaux que tout va pour le mieux au Niger(Burundi) ; lorsqu'un régime est si bien pénétré par la paranoïa au point qu'il voit en la moindre revendication syndicale ou associative, au moindre traitement et diffusion de l'information une «perspective putschiste» ; lorsque dans un pays, c'est le gouvernement lui-même qui pose des actes, prononce des paroles de nature à offusquer ses concitoyens, à susciter la haine et le ras-le-bol, il y a peu d'espoir de guérir. «Mon pays va mal. J'ai peur».