1. Un voisin parmi d'autres.
Le Soudan du Sud n'est pas si éloigné de notre pays. La capitale Juba est à environ 950 km de Bujumbura à vol d'oiseau et à 1254 km par la route. En comparaison, Nairobi capitale du Kenya est à 1354 km de route de Bujumbura.
Le Soudan du Sud est un candidat sérieux à l'adhésion à la Communauté Est Africaine. Malgré la guerre, le Président du pays a récemment désigné une commission composée de sept personnes pour préparer tous les dossiers relatifs à l'adhésion à ladite communauté.
Une autre raison qui devrait nous pousser à nous intéresser à ce pays est la probable participation de nos soldats à une mission de paix pour ce pays. Notre Ministre des Affaires étrangères a fait état d'une demande dans ce sens adressée par l'IGAD aux autorités burundaises.
2. Une histoire tumultueuse.
Le Soudan du Sud faisait partie du Soudan( le plus grand pays d'Afrique) jusqu'en juillet 2011, année de son indépendance. Et la première guerre au Sud Soudan a duré 17 ans, de 1955 à 1972. Les populations du Sud réclamaient une autonomie au sein d'un Etat fédéral. Elle leur fut accordée par les accords d'Addis Abeba en 1972.
La deuxième guerre longue de 22 ans a été déclenchée en 1983. Le président putschiste Gafaar Nimeiry venait de mettre fin au statut d'autonomie du Sud. Monsieur John Garang mena une longue lutte qui se termina par un accord de paix en janvier 2005. Il mourut six mois après dans un accident d'hélicoptère de retour de l'Ouganda.
Les médias occidentaux ont souvent souligné l'opposition entre les populations musulmanes du Nord à celles chrétiennes et animistes du Sud. Mais les questions économiques ont certainement joué un rôle déterminant. Les populations du Soudan du Sud observaient leurs richesses naturelles notamment le pétrole, exploitées au seul profit du Nord. John Garang aurait pendant longtemps lutté pour une autonomie et un pouvoir plus démocratique au sein d'un Soudan fédéral, il était opposé farouchement à une sécession du Soudan du pays, . Mais la surenchère islamiste d'El Béchir et les intérêts de certaines puissances occidentales ont abouti à la sécession du Soudan du Sud en juillet 2011. En réalité, l'indépendance du Sud Soudan a été une œuvre de certaines grandes puissances pour contrer l'influence des pays membres des BRICS surtout de la Chine en Afrique. C'est une honte pour les dirigeants africains qui ont vite reconnu ce nouvel état créé contre un des grands principes de l'UE, à savoir l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Beaucoup d'experts qui s'opposaient à cette indépendance avait bien alerté l'opinion internationale que l'indépendance du Sud Soudant sera source de conflits tribaux et fratricides
Donc cette scission repose sur trois facteurs essentiels:
- le traitement inégal du Sud par la puissance coloniale britannique qui malheureusement a continué après l'indépendance, il obéissait au principe colonial et néocolonial de diviser pour régner,
- les manœuvres de certaines grandes puissances,
- le mouvement SPLA est devenu séparatiste après la mort douteuse de son fondateur Docteur Garang.
3. Une guerre fratricide.
Le pays a connu une guerre très destructrice pendant presque 40 ans depuis 1956 : Deux à trois millions de morts et quatre millions de réfugiés et de déplacés. L'indépendance de 2011 est arrivée dans un dénuement quasi-total. Point de cadres, point d'élite intellectuelle, et bien sûr point d'infrastructures. Salva Kiir, un guérillero sans grande culture est porté à la Présidence, flanqué de Riek Machar, formé en Angleterre, comme vice-président.
Certes le Soudan d'El Bechir ne leur facilite pas la tâche, avec des rébellions armées et même des actes de guerre. Mais le vrai problème est la gestion du pays : la corruption bat son plein, le népotisme avec. Salva Kiir a une préoccupation, plutôt une obsession : sa réélection aux prochaines élections.
En juillet 2013, Riek Machar fait savoir ses intentions de se présenter à la prochaine élection présidentielle. Il s'agit d'un crime de lèse-majesté, impardonnable aux yeux du Président Salva Kiir. Il limoge alors son Vice-Président ainsi que tous les ministres qui lui sont proches ou supposés tels.
Cela ne suffit pas, dans la nuit du 15 décembre 2013, en bon guérillero, il tente d'utiliser le moyen radical qu'il connaît le mieux : liquider son adversaire. Pour sauver Riek Machar, ses gardes y laissent tous leur vie et leur chef peut s'échapper en pyjama. C'est le début de la guerre actuelle. Cette guerre est ponctuée par des massacres des populations des ethnies supposées proches de l'un ou de l'autre leader en conflit.
Encore une fois, une lutte pour le pouvoir s'est transformée en massacres ethniques. Les deux principales tribus (Dinka et Nuer) qui sont supposées s'affronter parlent presque une même langue. Elles sont certes les principales communautés en nombre, mais il existe environ une centaine d'ethnies au Soudan du Sud. Les ethnies sont encore une fois instrumentalisées par des leaders politiques irresponsables, criminels, mafieux ajouteront certains observateurs.
La guerre est concentrée autour des puits du pétrole qui constituent la source des devises non pas pour soulager la souffrance des populations, mais plutôt pour acheter les armes qui vont les décimer !
4. A quand la fin de la guerre ?
Khartoum ne voit certainement pas d'un mauvais œil cette guerre fratricide qui affaiblit davantage cet Etat dont la naissance l'a privé de la quasi-totalité de la production pétrolière. Il sera au mieux un contemplateur de la destruction de son ancienne région méridionale.
L'Ouganda qui exporte tous ses produits manufacturés au Soudan du Sud, a réagi promptement en envoyant des troupes aux côtes de Salva Kiir.
Les Etats-Unis qui ont énergiquement soutenu la sécession du Sud Soudan viennent de dépêcher le Secrétaire d'Etat dans la région. Leur action sera déterminante pour une fin rapide du conflit.
Il semble que l'on se dirige vers une énième force de paix. Elle pourrait d'abord être confiée à l'IGAD, avant de passer sous le pavillon des Nations Unies.
Dans tous les cas de figure, le martyr des populations du Soudan du Sud va malheureusement encore durer longtemps.