Que faut-il attendre de l'EAC dans la résolution de la crise burundaise ? La communauté a-t-elle les armes nécessaires pour contraindre Bujumbura à dialoguer ?
Dès le départ, l’EAC en particulier (et l’UA en général) était le forum idéal avec les outils nécessaires, mais peut-être pas suffisants, pour intervenir dans la crise Burundaise. Mais pour avoir des chances de succès, une mission de bons offices ou d’intervention doit aussi être faite au moment opportun.
On peut affirmer qu’au niveau bilatéral, et multilatéral de la diplomatie, dans la mesure où la crise Burundaise n’a pas été une surprise, les mécanismes de prévention n’ont pas fonctionné alors que les signes avant-coureurs étaient évidents.
Les mécanismes de résolution n’ont pas été à la hauteur de la gravité crise. La nonchalance diplomatique et le manque d’intervention rapide ont permis le pourrissement de la situation et des débordements qui ont conduit à (1) l’échec de toutes les démarches de recherche d’une solution, (2) la cristallisation du pouvoir dans une position de « bourreau-victime » qui lutte pour la survie, devenant ainsi un obstacle principal à toute solution négociée à la crise.
Le pouvoir a effectivement été imperméable aux conseils de ses partenaires traditionnels. Il a même succombé à la tentation de jouer les rivalités entre les grandes puissances comme s’il ignorait qu’elles marchandent entre elles leur influence lorsqu’il s’agit de régler les conflits dans des pays qu’ils considèrent de moindre importance.
En général, l’ONU, l’UA et l’EAC ont été « inutilement et maladroitement nargués, et suffisamment humiliés ». Si le pouvoir a eu tout le temps pour mater et disperser l’opposition, il s’est aussi aliéné la communauté internationale à laquelle il a progressivement fourni les arguments nécessaires et (maintenant même peut-être) suffisants pour envisager des mesures plus contraignantes en vertu des principes fondamentaux qui régissent le Conseil de Sécurité des Nations Unies, sous forme de sanctions.
Même si les Burundais ne s’attendent pas à de solution miracle, on peut donc s’attendre à ce que l’ONU et l’UA à travers l’EAC adoptent des mesures qui vont au-delà de ce qu’on a vu jusqu’ici pour contraindre les protagonistes de la crise Burundaise à une solution négociée.
Le pouvoir de Bujumbura a interdit l'exportation des produits burundais vers le Rwanda, aujourd'hui c'est au tour des agences de transport rwandaises qui ont été bloquées aux frontières, en violation des conventions qui lient ces deux pays tous membres de l'EAC. Quelle interprétation faire de ce comportement de Bujumbura, quand l'on sait que cette mesure ne handicape pas seulement les Rwandais, mais aussi les Ougandais qui passent par le Rwanda.
Indépendamment de leur motivation, les mesures d’interdiction des exportations de produits burundais vers le Rwanda et des agences de transport rwandaises portent atteinte à la circulation des personnes, des biens et des services. En plus du préjudice économique de part et d’autre de la frontière, ceci va à l’encontre des conventions auxquelles le Burundi aurait librement adhéré.
Même si ces mesures semblent viser le Rwanda leurs répercussions qui ne sont pas seulement légales et économiques vont bien au-delà de ce pays qui est devenu au cours des dernières années, comme un hub, un nouveau carrefour de communication dans la région, un rôle que le Burundi aurait bien pu jouer lui-même.
Il est évident et inévitable que tous les pays qui utilisent directement ou indirectement le Rwanda pour effectuer des échanges avec le Burundi seront affectés. Le cas échéant ils peuvent même envisager des mesures proactives et/ou correctives en vertu du principe diplomatique de réciprocité. En attendant une solution qui n’a que trop tardé, la situation risque d’empirer avant qu’elle ne s’améliore.
Gervais Marcel Cishahayo, expert en relations internationales.

