2. Sur la question du réarmement même, les révélations du patron du BNUB au Burundi n'ont surpris personne en réalité contrairement aux propos du Gouvernement. Tout le monde ici (sauf l'aveugle gouvernement) au Burundi est témoin de l'existence de ces miliciens affiliés au parti. Ce sont des miliciens car ils appartiennent à une organisation politique (CNDD-FDD) et des paramilitaires car ils arrêtent des gens, font des rondes diurnes et nocturnes, suppléent la police et l'armée, et arrêtent même parfois des membres de ces corps. Les cas étayant ces faits sont nombreux. C'est une organisation de type fasciste car elle tend à faire du CND-FDD un parti unique au moyen de la délation, de la torture, des rafles, des exécutions sommaires et arbitraires, bref, de la violence.
3. Le gouvernement estime qu'il ne peut pas armer des gens alors qu'il est engagé dans une politique de désarmement. Mais la réalité est que le pouvoir fait semblant de désarmer les uns en cachant parfois lui-même des armes chez ceux qu'il veut accuser, tout en s'engageant dans une dynamique d'armement des autres. Les violences et tueries faites par les Imbonerakure font le lot du quotidien au Burundi, mais comme elles frappent l'opposition, le pouvoir ne les voit pas.
4. Le porte-parole pointe du doigt « des partis politiques qui se sont retirés de la course électorale en mai 2010 après avoir essuyé un échec cuisant au premier tour des élections communales » (§2), comme les instigateurs d'un vaste complot d'intoxication, pour émouvoir l'opinion internationale à l'aide d'une prétendue préparation d'un génocide. Il insinue une collusion entre le patron du BNUB et les partis d'opposition. Or, la seule façon de démentir cela est d'initier une enquête internationale impartiale pour confondre les éventuels menteurs. En réalité, le gouvernement ne peut plus entretenir l'illusion de sa légitimité et prétendre que les élections de 2010 n'ont pas été un hold up électoral. Et quand il parle d'une « coalition très allergique au système électoral comme mode de gestion politique » (§3), il utilise la tactique de la projection de disculpation. Pourquoi, s'il est vraiment populaire, empêche-t-il l'opposition de mener ses activités légales et régulières ?
5. L'opposition n'a pas peur des élections. Au contraire. Mais elle veut des élections libres et transparentes. Et c'est la phase préparatoire qui est importante, et non le jour du scrutin. Malheureusement, la réalité montre bien que le pouvoir a déjà torpillé les élections, en supprimant tous les espaces d'expressions, en créant des milices pour stopper les activités des autres partis politiques, en s'écartant de l'esprit et de la lettre de l'Accord d'Arusha. L'inconstitutionnel troisième mandat auquel lorgne Pierre Nkurunziza est une infamie que le peuple n'est pas prêt à accepter.
6. « Pour ce qui est du processus électoral pour les scrutins de 2015, le Gouvernement réitère sa ferme détermination de les préparer dans un climat apaisé, sécurisé, et en toute transparence, en associant tous les partenaires concernés et intéressés » dit le gouvernement (§ 15). Pourtant l'on sait qu'il n'a entrepris aucune démarche d'apaisement depuis les fameux ateliers de mars 2013 initiés par le même BNUB pour baliser les élections de 2015. Il y a eu en effet la loi rétrograde et répressive sur la presse, la tentative tout aussi rétrograde de réviser la constitution, la poursuite du projet de nyakurisation des partis, jusqu'au parti naguère allié qu'était l'Uprona, ainsi que l'arrestation et l'emprisonnement des militants de l'opposition dont celle d'un ancien vice-président pour des motifs montés de toutes pièces.
7. « ... et transmettre confidentiellement un rapport sur un sujet aussi sensible que la distribution des armes pour commettre un hypothétique génocide sans aucune collaboration avec les officiels/ou tout au moins leur réserver une copie, relève d'une perte de confiance totale à l'endroit d'un partenaire... », accuse le gouvernement (§6). Il y a comme une menace à peine voilée d'expulsion. Mais est-ce l'ONU qui doit avoir de la gêne, quand on sait la façon cavalière dont ses représentants ont souvent été expulsés? Le chef du BNUB en optant pour la discrétion a voulu éviter le scandale et le régime devrait l'en remercier. Et pour une accusation aussi grave, le gouvernement qui se targue de transparence devrait opter une enquête impartiale afin qu'il soit définitivement blanchi.
8. « à la veille de la passation de témoin du BNUB à l'Equipe pays qui va relayer le bureau d'ici la fin de l'année, principe qui a été vivement combattu par l'opposition radicale de l'ADC-IKIBIRI qui entend tirer profit de l'image d'un Burundi toujours sur le bord de la catastrophe » (§8) A l'approche des élections, qui peuvent être source de tension, réduire drastiquement la présence onusienne ne peut-il pas être assimilé à un refus de témoins gênants ? En tout cas, ce n'est pas l'opposition qui, en tirant le signal d'alarme conduit chaque jour le pays vers le gouffre, mais bien plutôt le pouvoir en place qui ne fait rien pour apaiser le climat politique.
9. « ce rapport qui n'a d'autres visées que celles de cautionner les ambitions
de l'opposition radicale allergique et hostile aux élections, et qui risque de s'appuyer sur le rapport du Représentant du BNUB comme prétexte supplémentaire pour se dérober et boycotter une fois de plus les prochaines élections de 2015 » (§9). Comment le gouvernement peut-il soupçonner le représentant du SG-ONU de collusion avec l'opposition, alors qu'il a toujours ses initiatives? Le pouvoir montre là sa peur d'un éventuel boycott qui achèverait de ruiner sa crédibilité. Mais s'il redoute un deuxième boycott électoral, que fait-il pour créer une atmosphère apaisée ? Les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets dans les mêmes conditions, peut-on exclure un nouveau boycott de l'opposition en 2015, boycott plus désastreux encore pour le pays ?
10. « ... le Gouvernement s'inquiète des conséquences néfastes qui peuvent découler du rapport du représentant du BUNB sur la prolifération des armes aux mains des différents groupes criminels » (§10.) Le gouvernement ne comprend-il pas que ce sont les fraudes, les blocages, les injustices, les arrestations et autres emprisonnements arbitraires, ainsi que la fermeture systématique de l'espace politique, qui poussent au désespoir et finalement la rébellion ?
11. Le gouvernement s'adresse au SG ONU et au conseil de sécurité « en leur demandant de prendre toutes les mesures nécessaires pour que ces groupes ne prennent prétexte au rapport du Représentant du BNUB pour déstabiliser le pays en se faisant passer pour des Imbonerakure.» (§11) On croit rêver : comment un pouvoir établi, qui a le contrôle sur la jeunesse de son parti, peut–il craindre une confusion entre celle-ci et une quelconque rébellion.
12. La déclaration du gouvernement, lue par son porte-parole, prétend que la population est réconciliée, que tout est bien dans le meilleur des mondes possibles. « Le Gouvernement réaffirme qu'il n'y a pas de violence en vue au Burundi... » (§14) Mais si donc tel est le cas, de quoi le gouvernement a-t-il peur? S'il prétend que ''l'intoxication'' n'aura aucune emprise sur la société burundaise, pourquoi alors demander à toute la communauté internationale de prendre toutes les responsabilités des conséquences qui peuvent découler de ces allégations ?
13. « Ainsi, pour lever toute équivoque inspirée par les effets du
rapport du représentant du BNUB, et qui pourraient peser sur le climat électoral, le Gouvernement du Burundi demande au Secrétariat Général des Nations Unies de :
- mener des investigations approfondies pour vérifier la véracité de ces allégations et surtout le mobile de ce montage avant de tirer une quelconque conclusion.
- établir les responsabilités et prendre les mesures appropriées pour rétablir un climat de confiance avec les mandataires du BNUB auprès des Institutions auxquelles ils sont accrédités.
- s'assurer qu'il ne s'agit pas d'une campagne destinée à couvrir l'entrée des armes dans le pays pour perturber la sécurité, créer un chaos pouvant saboter les prochaines élections pour exiger ensuite des Institutions de transition tant rêvées par certains politiciens.
- garantir la bonne tenue des élections en envoyant à temps de préférence dès maintenant des observateurs sur place qui vont accompagner le processus, avant, pendant et après les scrutins. » (§16).
Ce n'est pas un assaut de charme, c'est du bluff. En tout cas, dans la bouche d'un gouvernement sérieux et responsable, tout cela voudrait dire que :
- le gouvernement accepte, publiquement, la constitution d'une commission internationale d'enquête sur les activités des Imbonerakure ;
- la mise en place d'une équipe compétente de surveillance et de désarmement des milices quelles qu'elles soient ;
- et surtout l'acceptation d'observateurs électoraux indépendants dont les avis seraient dument considérés, dans un cadre à convenir entre tous les partenaires politiques
Il sera intéressant de voir quelles réponses seront apportées à ces propositions, et par l'opposition, et par les responsables de l'ONU.
14. C'est un grand bluff car si la liste électorale n'est pas fiable, si l'opposition n'est pas autorisée à mener ses activités sur le terrain, si ses dirigeants vivent sous la menace d'emprisonnement, si la CENI et la cour constitutionnelle sont les bras séculiers, complices actifs du pouvoir, ce que les observateurs vont constater ne sera guère beau à voir. Ce dont le pays a besoin, ce ne sont pas des « observateurs sur place qui vont accompagner le processus, avant, pendant et après les scrutins. », mais la mise en place de conditions consensuelles pour des élections apaisées, ce dont le régime ne veut entendre parler.
15. Le gouvernement prétend que « tous ces mensonges » viseraient des négociations qui offriraient le pouvoir à l'opposition actuelle. Le dialogue reste nécessaire, car le parti au pouvoir et son opposition doivent se mettre d'accord sur les règles du jeu politique, sans que l'une des parties use du passage en force quand cela l'arrange. Aujourd'hui, à presqu'un an des élections de 2015, ni la constitution, ni le code électoral, ni la composition et le mode de désignation de la CENI, pour ne citer que cela, ne font l'objet d'un accord entre protagonistes politiques.
16. Le gouvernement « réitère son engagement à contribuer au maintien de la paix partout où le Burundi sera sollicité pour contribution dans le monde. » (§19) Un petit chantage sybillin qui signifie : « si vous continuez à nous embêter, nous retirerons nos forces en Somalie et en Centrafrique et vous vous débrouillerez tout seuls. »
17. Comme le porte-parole du CNDD le disait, le gouvernement a le devoir de faire en sorte que les choses soient clarifiées. Accuser tout de go, le patron du BNUB d'avoir des intentions malveillantes relève d'une extrême simplification, d'une incroyable cécité couplée d'une extrême hypocrisie. Pour la simple raison que les exactions de ces miliciens se font au quotidien. Que le gouvernement demande aux Nations-unies de « garantir la bonne tenue des élections en envoyant à temps de préférence dès maintenant des observateurs sur place qui vont accompagner le processus, avant, pendant et après les scrutins » ne doit pas tomber dans les oreilles de sourds. Les enquêtes sur ces armements feraient dès lors partie d'une mission d'envergure chargée d'assurer la bonne tenue des élections.
Le Communiqué du Gouvernement sur le BNUB ci dessous: