Un pyromane-sapeur-pompier de l'Afrique Occidentale.
Si la justice internationale était indépendante, Charles Taylor ne serait pas seul en prison, Compaoré serait dans une cellule toute proche. Son rôle dans le drame libérien et Sierra-Léonais a fait la une des journaux. Les commandos burkinabés auraient été déterminants dans la victoire militaire de Charles Taylor, un tôlard échappé d'une prison des Etats-Unis. Les « diamants de sang » sierra-léonais transitaient par Ouagadougou.
La Côte d'Ivoire fut sans doute son « success story » : pendant qu'il hébergeait, entraînait, conseillait les rebelles de Guillaume Soro, il était en même temps médiateur dans le conflit. Il a tellement bien joué que ses protégés sont actuellement au pouvoir à Abidjan.
Au Mali, la mayonnaise n'a pas bien pris ; les maliens sont restés méfiants de la soi-disant médiation qu'il prétendait conduire au moment où ses hélicoptères évacuaient des combattants sécessionnistes touaregs en difficultés.
Comme ils font la promotion des stars, les médias occidentaux ont fait la publicité du président Compaoré « affable, pondéré, etc. ». Il est inutile de préciser que dans ses missions de bons offices, comme du reste dans l'assassinat de son ami Sankara, il n'était qu'un pantin, les véritables acteurs étant ailleurs.
Son rôle dans les Grands-Lacs.
Bien que son rôle dans les Grands Lacs ait été tempéré par les « tirailleurs » de la région, Blaise Compaoré s'y est néanmoins essayé, toujours pour avoir les faveurs de tous les puissants de l'Occident. Aussi, plusieurs témoins ont déclaré qu'une des réunions du FPR au cours desquelles la décision d'abattre l'avion de Juvénal Habyarimana a été discutée, avait eu lieu à Bobo-Dioulasso, deuxième ville du pays.
De même, BUYOYA Pierre n'a jamais cessé de compter sur le soutien de son ami Blaise, que ce soit après son putsch en 1996 ou lors de la sollicitation des postes de médiateur ou d'observateur au sein des missions de la Francophonie ou de l'Unité Africaine. D'aucuns pensent que Compaoré et Nkurunziza étaient les seules voix certaines en faveur de Buyoya pour le poste de Secrétaire général de l'OIF lors du vote en fin de ce mois.
Instauration d'un système d'oligarchie compradore.
Thomas Sankara se préoccupait d'abord des masses populaires, et se battait pour un développement partant de la base. Et pour lui, le peuple devrait être le principal acteur de son propre développement. Economie autocentrée, consommation de produits locaux, sens de l'intégrité, conscientisation déterminée des citoyens à la nécessité de changer, goût de l'effort, lutte contre les travers sociaux, défense de la dignité de l'homme africain, contestation des dettes immorales contractées par des régimes corrompus, autant de traits propres au jeune révolutionnaire. Sankara disait que "La démocratie est le peuple avec toutes ses potentialités(...). On ne peut concevoir la démocratie sans que le pouvoir, sous toutes ses formes, soit remis entre les mains du peuple; le pouvoir économique, militaire, politique, le pouvoir social et culturel".
Pour Blaise Compaoré par contre, c'était une économie de rente, basée sur la culture du coton génétiquement modifié sensé être plus productif et l'exploitation des minerais d'or. La construction des infrastructures permettait un enrichissement illicite des cadres de son parti, grâce à la corruption et à la surfacturation. Pendant que se constituait une classe d'oligarques compradores, la majorité de la population, notamment la jeunesse, végétait dans la pauvreté.
Les élections étaient, comme dans la plupart des pays africains, factices. Compaoré et son parti le CDP les gagnaient toujours à plus de 90%. Les députés qui en sortaient ne représentaient nullement le peuple. Ils l'ont démontré le 30 octobre dernier quand ils étaient prêts à voter la modification de la Constitution pour accorder un énième mandat à leur « nourricier » Blaise Compaoré, pendant que la colère grondait au sein du peuple.
Quid de l'attitude de la Communauté Internationale ?
De nombreux observateurs savaient que la colère du peuple burkinabé était à son comble. Et que le risque de l'embrasement du pays était très élevé. Ni l'Union Africaine, ni l'ONU n'ont élevé la voix pour appeler Blaise Compaoré à la raison.
La France l'a fait d'un ton tellement discret et amical que ce fut inaudible. Pour sauver son honneur, la France avait à un moment donné proposé à son protégé Compaoré le poste de Secrétaire général de l'OIF. Quant aux Etats-Unis, c'est après la sortie du peuple dans la rue qu'ils ont appelé à la retenue ! Blaise Compaoré avait tellement rendu service notamment en « rétablissant » la démocratie en Côte d'Ivoire que tout lui était permis. Il ne devait pas son règne à son peuple, mais à ses « maîtres », qui diligentent tout ce qui se passe dans le monde.
Quel avenir pour la Démocratie au Burkina-Faso ?
Depuis l'indépendance, le pays n'a connu que 4 ans de régime soucieux de la vie de la majorité de la population.Le départ de Compaoré ne signifie pas la fin du système qu'il a réinstauré pendant ses 27 ans de règne. Certes le cocotier est secoué, mais le fruit n'est nullement tombé ! Les démocrates, les patriotes et les progressistes burkinabés ont encore une longue bataille pour instaurer un système enraciné dans les profondeurs du peuple, un système démocratique où le peuple est le principal acteur qui confie sa destinée à des individus et leur lui retire s'il n'est pas satisfait.
Quelle leçon pour l'Afrique ?
Les thuriféraires des présidents candidats aux mandats irréguliers se sont empressés de déclarer que le schéma burkinabé n'est pas reproductible partout. Ceci est vrai, mais en partie seulement. Les burkinabés ont montré que le peuple aura toujours le dernier mot. Il s'agit d'une question de temps et de circonstances. Il peut être malmené pour un temps, terrorisé et apeuré, mais cela ne durera qu'un moment. Le jour j, le peuple finira par chasser ceux qui l'infantilisent, le ridiculisent, l'humilient et s'enrichissent sur son dos. Les présidents africains devraient changer de paradigme et se mettre véritablement au service de leurs peuples, plutôt que de devenir de piètres vassaux des intérêts des multinationales et des puissances étrangères.